Selon une enquête effectuée par le Parisien en septembre 2017, ce sont plus de 442 cas de violences recensés chaque jour dans les collèges et lycées de France depuis le début de l'année. Parallèlement à cela, environ cent élèves se donnent la mort chaque année. Le harcèlement scolaire est également en forte hausse. En 2015, la Direction de l'évaluation, la prospective et la performance a recensé plus de sept cent mille cas d'élèves qui ont été victimes de toutes sortes de harcèlements.

Nous allons nous pencher sur le vécu des jeunes victimes de harcèlements et de leur isolement au sein de leur établissement scolaire.

Pour ce faire, nous nous appuierons sur différents témoignages d'enfants et de parents qui ont dû faire face à ce problème.

Aveuglement volontaire du corps éducatif et de l'éducation nationale

En janvier 2016, une jeune fille prénommée Émilie est morte à l'âge de 17 ans, un mois après s'être défenestrée. En deuil, ses parents ont découvert son journal intime et ont appris avec effroi tous les supplices qu'elle avait endurés. Ceci n'est pas un cas isolé, car bon nombre d'enfants n'osent pas révéler les horreurs qu'ils subissent à leurs parents, de peur qu'ils aient une mauvaise image d'eux. Voici ce qu'Émilie a écrit dans son journal : "je ne voulais pas que mes parents sachent à quel point j’étais pitoyable et pensent avoir donné naissance à une pure sous-merde".

Un autre élément est à prendre en compte. Ils ont peur que si leurs parents parlent au directeur de l'école, les autres élèves s'acharnent de plus belle: "Je ne voulais pas que mes parents s'inquiètent [...] Je savais qu'ils iraient voir le principal pour lui dire et que ça ne ferait qu'empirer la situation". Le jeune Diego, qui s'est suicidé à l'âge de 11 ans en 2015, a eu la même réaction qu'Émilie.

Il a fait en sorte que ses parents ne sachent rien des harcèlements qu'il subissait quotidiennement au collège. Bien souvent, les parents apprennent trop tard les souffrances vécues par leurs enfants à l'école.

On est en droit de se demander pourquoi les enseignants et le personnel éducatif ne sont pas intervenus lorsque ces élèves étaient persécutés ?

C'est là que le bât blesse. Dans de nombreux cas, les parents se sont rendus compte que bien des personnes avaient fermé les yeux sur les sévices infligés à leur enfant, même lorsque cela se passait pendant les heures de cours. Émilie a noté les fois où certains enseignants lui avaient demandé ce qui n'allait pas sans aller plus loin. "Esquiver les coups, les croches pieds et les crachats. Fermer ses oreilles aux insultes et moqueries. Surveiller son sac et ses cheveux. Retenir ses larmes. Encore et encore". Les parents ont demandé aux enseignants comment ils n'avaient pas pu se rendre compte de ce qu'elle vivait. Ils lui répondirent simplement qu'ils ne pouvaient pas surveiller tout le monde.

D'autres cas de suicides mettent également en avant cet aveuglement des professeurs. On peut prendre comme autre exemple le cas de Marion, suicidée à l'âge de 13 ans en février 2013. Elle subissait des insultes et des menaces de mort quotidiennement, parfois même en plein cours. Une fois encore, les enseignants ont déclaré n'avoir rien remarqué.

La réaction des principaux et directeurs d'école est toute aussi scandaleuse. Ne voulant pas entacher la réputation de leur établissement, ils n'ont pas hésité à demander aux parents d'arrêter leurs enquêtes afin d'étouffer l'affaire. Selon un ancien professeur de Marion : "La direction nous avait interdit de communiquer avec vous, lui confiera un professeur croisé dans le bus, par hasard.

Certains d'entre nous vous ont quand même écrit après l'enterrement. Vous n'avez rien reçu ? ». Une enquête a révélé que Marion s'était entretenue plusieurs fois avec le principal pour changer de classe alors que ce dernier avait déclaré à ses parents : "Rien ne permettait de penser que Marion allait mal".

L'Éducation nationale était loin d'être innocente dans cette affaire. En effet, avec le communiqué de la directrice adjointe de l’académie de Versailles suite au suicide de Marion, ses parents se sont rendus compte que l’Éducation nationale avait eu vent de ce que subissait la jeune fille. Et pourtant rien n'a été fait.

Depuis 2014, l'Éducation Nationale est censée produire plus d'efforts dans la lutte contre les harcèlements scolaires. Les nombreux cas de suicides perpétrés depuis lors nous prouvent le contraire. Il reste malheureusement beaucoup à faire pour éradiquer ces abominations.