La libération de la parole initiée par l'affaire Harvey Weinstein aux Etats-Unis, ou par la campagne 'Balance ton Porc' en France, n'est pas terminée. En effet, deux plaintes pour viols et violences volontaires ont été déposées à Rouen et Paris à l'encontre de l'islamologue Tariq Ramadan à la fin du mois d'Octobre 2017. Depuis hier 31 Janvier, le théologien suisse, qui nie la totalité des faits et parle de "campagne de calomnie", est en garde à vue dans les locaux de la Police judiciaire parisienne. Sa mise à disposition des enquêteurs a été prolongée de 24 heures.
La première plainte a été déposée par une anonyme pour des faits datant de la fin de l'année 2009. Cependant, son avocat a officiellement refusé de répondre aux sollicitations des médias. On sait néanmoins que des certificats médicaux ont été fournis au dossier.
La seconde plainte émane de Henda Ayari. Cette dernière accuse Tariq Ramadan de l'avoir Violée dans une chambre d'hôtel en 2012 alors qu'elle venait s'adresser à lui pour des conseils d'ordre religieux. Ancienne salafiste séparée de son mari, elle culpabilisait d'avoir retiré son voile afin de trouver un emploi plus facilement. Depuis, elle est devenue une fervente militante féministe et laïque, et a fondé l'association 'Libératrices' qui lutte contre la radicalisation islamiste et prône la défense de la Femme.
Pour discréditer l'accusation d'Henda Ayari, les avocats de l'islamologue ont communiqué certaines pièces au dossier d'instruction, dont des conversations enregistrées sur Facebook. On peut y lire des avances amoureuses et sexuelles explicites de la militante féministe envers Tariq Ramadan, qui refuse d'y donner suite. Les avocats de la plaignante préfèrent parler "d'emprise sectaire" du théologien sur leur cliente.
Des faits particulièrement violents
Le 20 Octobre 2017, Henda Ayari racontait ce qu'elle aurait subi dans un long texte publié sur Facebook : "J'ai gardé le silence depuis plusieurs années par peur des représailles", précisait-elle en parlant de menaces formulées à l'encontre de ses enfants. Selon des informations recueillies par Le Parisien, la seconde femme qui accuse Tariq Ramadan de l'avoir violée aurait évoqué d'autres violences physiques : coups de pieds, gifles au visage et sur d'autres parties du corps...
Elle aurait également été traînée par les cheveux jusqu'à la salle de bains où son agresseur lui aurait ensuite fait subir des actes scatophiles. A la suite de ce terrible épisode, la victime présumée aurait vécu "des mois de harcèlement et de menaces".
Par ailleurs, la journaliste Caroline Fourest, connue notamment pour ses prises de position contre l'intégrisme et l’extrémisme religieux, fervente détractrice de Tariq Ramadan depuis des années, s'est mêlée à l'enquête en remettant elle aussi certains documents aux enquêteurs. Les avocats du théologien ont riposté par une plainte pour subornation de témoin.
A l'issue de sa garde à vue, qui peut durer jusqu'à 48 heures, l'une de ces trois possibilités s'imposera à Tariq Ramadan, aujourd'hui âgé de 55 ans : il peut être libéré, placé sous statut de témoin assisté, ou être mis en examen par le Parquet.
Rappelons qu'il est le petit-fils du fondateur de la confrérie égyptienne islamiste des Frères musulmans. Depuis 2005, il enseignait au sein de la section Etudes Islamiques Contemporaines de l'Université d'Oxford, au Royaume-Uni. Suite aux deux plaintes déposées contre lui à l'automne dernier, il a été "mis en congé" d'un commun accord avec l'établissement. Il se murmure également que le Qatar l'interdirait de pénétrer sur son territoire pour les mêmes raisons.