Ces « révélations » s’avèrent beaucoup moins croustillantes quand on s’y intéresse de près. La réalité est en général moins sombre que ne le suggèrent les gros titres racoleurs et péremptoires.

« Vos tampons contiennent régulièrement des pesticides » ; « Du glyphosate et des pesticides détectés dans une majorité de bières » ; « Du glyphosate dans le miel : ouverture d’une enquête judiciaire ». C’est à peine si on ose continuer la lecture de ces articles qui semblent vous annoncer une mort imminente, qui se cacherait dans les plus banals objets du quotidien.

Vous avez intérêt à vous méfier de tout, suggèrent-ils. Car le poison est partout et vous ne serez jamais suffisamment à l’abri !

Et puis… rien, ou presque. Après vous avoir fait regretter toutes les bonnes bières fraîches de l’été, on vous dit que finalement ce n’est pas si grave que cela...

Le magazine 60 millions de consommateurs a ainsi trouvé des traces de pesticides, dont du glyphosate, dans les trois quarts des 45 bières qu’il a décidé de faire analyser pendant la Coupe du monde. Mais voilà qu’après cette annonce fracassante, le magazine se veut en réalité rassurant. En effet, les teneurs quantifiables « s’avèrent cependant très faibles : d’après nos calculs, il faudrait boire 2 000 litres par jour pour dépasser la dose journalière admissible (DJA) de glyphosate, avec la bière la plus contaminée de notre essai.

On est donc loin d’une exposition dangereuse », conclut 60 millions de consommateurs.

Créer le buzz

Mais alors, pourquoi avoir effrayé tous ces millions lecteurs si c’était pour qu’ensuite, en lisant l’article, ils découvrent qu’ils n’ont en réalité rien à craindre ? La réponse est évidemment dans la question. Il s’agit de créer le buzz, attirer du clic, pour alimenter un flux d’internautes.

Une bonne manière, pour ces sites, de préserver leur bonne santé (financière). Des « découvertes », devenues en réalité un marronnier aussi régulier qu’inutile.

Le cas des protections intimes féminines est lui aussi éloquent. Quoi de plus efficace pour faire peur et attirer l’attention des lectrices que l’idée qu’elles seraient en train d’exposer leur intimité à d’innombrables produits toxiques ?

Mais voilà que, en réalité, « aucun dépassement des seuils sanitaires n’a été mis en évidence [par l’Anses], que ce soit dans les tampons, les protège-slips ou les serviettes hygiéniques. Il ne semble pas y avoir de risque à long terme », comme l’admet tardivement l’article du HuffPost. Et d’ajouter : « Bien qu’inquiétante, la présence de ces composés n’est toutefois pas à l’origine aussi dangereuse qu’il n’y paraît ». Autrement dit, elle n’est pas aussi dangereuse que l’article nous l’avait fait croire !

« Désinformation grossière »

Cette stratégie, qui consiste à affirmer quelque chose dans le titre pour dire ensuite le contraire dans le corps de l’article, commence à être bien connue des spécialistes.

Ainsi, André Hitz, ingénieur agronome et ancien fonctionnaire international du système des Nations unies, a dénoncé l’alarmisme infondé de certains médias français lorsqu’ils ont diffusé, en juillet, une information de l’AFP concernant la présence de glyphosate dans le miel d’un apiculteur.

En mettant l’accent sur l’ouverture d’une enquête à la suite des déclarations de l’apiculteur, Le Monde, Le Parisien ou encore Ouest France ont donné la fausse impression que la responsabilité du glyphosate était déjà établie. Or, « l’enquête préliminaire est ouverte d’office quand il y a eu dépôt de plainte », explique André Hitz. « Qu’une enquête préliminaire soit ainsi ouverte n’est donc en aucun cas “une première”, ni la manifestation du fait “qu’on prenne cette affaire très au sérieux”.

Mais l’objectif n’est-il pas de suggérer que le glyphosate — et les pesticides en général — est dangereux et coupable ? », s’interroge l’expert. Le glyphosate, dont l’innocuité a été admise par l’ensemble des instituts scientifiques, a désormais mauvaise presse : des mois de campagne des militants écologistes ont laissé des traces dans l’inconscient collectif. L’inoffensive molécule est désormais le repoussoir idéal, pour des papiers faciles rédigés par des journalistes précaires payés à la pige.

Nombreux sont les scientifiques, personnalités publiques et simples citoyens à s’inquiéter de la « désinformation grossière » qui devient la norme dans un monde où les médias misent sur les titres racoleurs et les partages indignés sur les réseaux sociaux pour attirer un flux d’internautes et soigner ainsi leurs recettes publicitaires.