Après l'essor du mouvement « Balance ton porc » puis l'affaire du « Jeremstar Gate », c'est désormais au tour du hashtag inédit #BalanceTonYoutubeur de faire couler beaucoup d'encre sur le web. Depuis le 7 août, cette polémique retentissante agite le milieu résolument concurrentiel des youtubeurs à succès, certains étant accusés d'avoir profité de leur notoriété pour abuser sexuellement de jeunes admiratrices, mineures pour certaines, qu'ils fédéraient parmi leurs collectifs d'auditeurs.
Une vague de dénonciations dont le célèbre vidéaste Squeezie est à l'origine.
De son vrai nom Lucas Hauchard, cette figure phare de YouTube en France a tenu à tirer la sonnette d'alarme par le biais d'un Tweet mettant en lumière ce type de dérives chez certains de ses confrères, sa démarche ayant pour vocation de libérer la parole accablante de leurs victimes.
À elle seule, cette publication a entraîné une déferlante de témoignages sur Twitter, assortis pour certains de captures parfois factices destinées à les corroborer. Sous le nouveau hashtag tournant à plein régime, il s'avère particulièrement ardu de démêler les allégations fondées des actes de diffamation. Ainsi, un autre youtubeur influent, Norman Thavaud, a été incriminé par des internautes potentiellement manipulés par de tels visuels, assimilables à des montages opportunistes voire malveillants.
Mais si celui-ci a d'abord été une cible de premier ordre pour les utilisateurs du réseau social à l'oiseau bleu jouant le tribunal public, son identité ne figure pas dans la liste d'aveux recueillis par Le Parisien et divulgués dans un article paru le lendemain. Au total, ce sont quatre noms d'influenceurs qui sont cités : Wass Freestyle, Anthox Colaboy, Math Podcast et From Human to God.
Des adolescentes témoignent au Parisien
Une poignée de mineures accusent le premier, de son vrai nom Wassim Benslimane, de les avoir sollicitées sexuellement à plus d'une reprise, alors qu'elles étaient âgées de 15 à 16 ans. Spécialisé dans le football et comptabilisant plus de 2 millions d'abonnés sur sa chaîne à 30 ans, il leur aurait formulé, sous couvert de « proximité » avec sa communauté, des propositions douteuses tout en ayant conscience qu'elles étaient mineures au moment des faits.
Une autre femme déclare avoir reçu, à l'âge de 15 ans, des messages particulièrement suggestifs de la part du youtubeur critique de vidéos Anthox Colaboy, alors âgé de 29 ans. Avec une capture à l'appui, elle relate que celui-ci serait allé jusqu'à lui envoyer en Instagram Direct une photo de ses jambes dans sa baignoire, prenant une position n'ayant pas manqué de la choquer.
Deux autres témoignages concordants, là encore accrédités par des captures de messages, affirment que le troisième accusé, de son vrai nom Mathieu Richard, aurait demandé à des jeunes filles de 15 et 14 ans de lui présenter des photos dénudées ou de leur poitrine ; les faits remonteraient respectivement à 2013 où il avait alors 17 ans, et 2016 à l'âge de 20 ans, donc majeur.
Enfin, une dernière victime présumée de 16 ans pointe du doigt le spécialiste de musculation Efkan Kurnaz, du vrai nom du quatrième vidéaste mentionné, qui lui aurait demandé, en l'ayant repérée au cours d'un live Periscope, une vidéo d'elle tout en lui commandant de ne rien ébruiter, puis tenté de l'appâter chez lui en prétendant être en possession de multiples iPad à offrir. Des aveux une nouvelle fois affublés d'une capture destinée à les démontrer.
Deux accusés font état d'une diffamation
La rédaction du Parisien affirme avoir contacté l'ensemble des youtubeurs cités sur son papier. Mais si deux d'entre eux n'ont pas encore montré de réaction, les deux autres n'ont guère hésité à prendre la parole afin de réfuter les accusations à leur sujet.
Ainsi, From Human to God s'est fendu d'un Tweet, mais surtout d'une nouvelle vidéo, dans laquelle il décortique le morceau d'article qui lui est consacré afin d'en contrer les propos rapportés.
"Vous êtes sérieux @le_Parisien ? "Viens chez moi j'ai des iPads" ?
— Monsieur KURNAZ (@FromHumanToGod) 8 août 2018
Vous vérifiez vos sources ? Vous avez des preuves de ce que vous dites ?
Cet article me visant relève de la pure diffamation. Ils ne m'ont jamais contacté.
Je me réserve toute voie de droit utile 🙂 ⚖️ pic.twitter.com/wmTxKdjvwc
Âgé de 28 ans au moment des faits qui lui sont imputés, le sportif aux 322 000 abonnés, constatant d'abord que le journal a orthographié son pseudonyme en « Drop Human to God » par mégarde, explique que des avances formulées sur le canal visionné en direct par de nombreux auditeurs qu'est Periscope auraient été contre-productives pour leur confidentialité alors qu'aucune vidéo du passage en question n'avait circulé sur la Toile, puis souligne l'aspect burlesque de l'argument des iPad en tant que stratégie de séduction.
Efkan révèle ensuite n'avoir jamais été contacté par le quotidien contrairement à ce que stipule ce dernier, et, revenant sur son surnom détourné, met cette contradiction sur le compte d'une éventuelle erreur de la part des journalistes en voulant saisir son adresse électronique professionnelle. De son coté, Anthox s'est contenté de deux Tweets pour clamer son innocence, où il s'estime dévasté par les rumeurs et annonce son intention de porter l'affaire en justice, en déposant plainte pour propos diffamatoires.
Porter plainte contre tout ce qui est entrain de se produire, j’ai tout perdu, je n’ai fait du mal à personne physiquement ou psychologiquement. Vous n’imaginez même pas à quel point ce qui se passe et dévastateur. Off Twitter, ça part en justice
— Anthox Colaboy (@AnthoxColaboy) 9 août 2018
Un inconvénient des démentis de stars ainsi accusées est que, avec la complicité de leurs partisans qui montent au créneau pour les défendre, les débuts de scandales les impliquant tendent à être tués dans l'œuf, et seule l'ouverture d'une enquête judiciaire saurait percer à jour les véritables coupables, sous réserve qu'elle aboutisse.
En attendant, tenant compte de la mise au point d'Efkan, Le Parisien a mis à jour son article du 8 août, sans pour autant nuancer la version relayée, et renchérit dans un second que l'objectif était justement une réponse des intéressés.