Alsacienne d’origine, Fanny Bauer-Motti est passionnée de psychologie depuis de nombreuses années et cette Docteure en psychologie clinique et psychopathologique s’adonne également à la publication d'écrits sur ces sujets.

Également très présente sur les réseaux sociaux, cette jeune Docteure en psychologie casse les clichés et les codes pour donner des diagnostics à une patientèle qui ne cesse de pousser les portes de son cabinet de Londres. On peut aussi évoquer les portes virtuelles de son activité qui dépasse les frontières de France et de l’île Maurice.

Entretien.

Facteur de stress et d’angoisse pour beaucoup d’individus dans le monde, la crise inédite du Coronavirus a confronté des jeunes personnes qui n’ont peut-être jamais été face à la mort. Le confinement a-t-il remis la solitude devant les projecteurs ?

À Londres, où j’ai eu accès à la population expatriée, la solitude n’était pas vraiment de mise car les liens étaient renforcés avec les personnes en France ou ailleurs dans le monde. Via les plateformes virtuelles, les gens sont restés connectés. D'une certaine manière le virtuel n'a jamais autant connecté les gens que lors de la période du confinement.

Par contre en France, c’est vrai que j’ai pu ressentir cette solitude. Finalement sans les sorties, les rencontres, on se retrouve face à soi, face à ses choix et à sa vie.

Cela ouvre une grande porte de questionnements pour la suite de sa vie.

Quand on sait que 5 millions de personnes n’auraient que très peu de contacts avec famille, amis ou clubs selon la Fondation de France, la consultation chez des professionnels est-elle devenue une solution ?

Oui, j’ai remarqué une plus grande demande pour toutes les personnes qui ont été en contact de près ou de loin avec la mort.

Mais pour d’autres personnes habituées à consulter, certaines d’entre elles allaient mieux. J’ai l’impression que le confinement les a remis sur les rails. Comme si le fait d’être dans un environnement où l’on peut contrôler son temps, ses activités et travailler de la maison les a poussés à changer leur rapport au monde. Certains se sont simplement posés les bonnes questions sur la vie.

Est-ce une période que l’on peut qualifier de ‘traumatisante’ comme l’a dit Emmanuel Macron ?

Totalement. Par exemple en France, j’ai pu entendre chez certaines personnes âgées qu’elles avaient le sentiment que c’était pire qu’en temps de guerre. Le fait de devoir sortir avec une autorisation notamment.

Je sens qu’il y a encore un ‘espèce de trauma’, une difficulté à se projeter même dans un an. Pour les enfants, il faut verbaliser leurs angoisses, que ce soit par le dessin ou l’expression et même l’explication. Il faut donner du sens à ce qu'il s'est passé.

Des études scientifiques estiment déjà que le Covid-19 est peut être déclencheur d’un stress post-traumatique. Sans être alarmiste, que conseillez-vous à ces jeunes personnes ou ces adultes qui sentent que la charge émotionnelle devient trop forte ?

C’est un traumatisme qui va marquer l’histoire avec un grand H. L’après Coronavirus est tout à fait différent de l’avant puisqu’on sait maintenant que quelque chose peut arriver, peut se transmettre. La gestion de la crise, la communication dans les médias a pu être profondément traumatique. Certaines personnes âgées ont eu l’impression d’être laissées de côté par exemple.

La pandémie du Covid-19 a tué près de 400.000 personnes dans le monde. Est-ce-qu’on ne parle pas assez selon vous, des personnes finalement les plus isolées du monde dans cette période, la population carcérale qui a été interdite pour la plupart même de parloir pendant le confinement…

Effectivement, nous n’en avons pas assez parlé ce qui est significatif d’une grosse problématique en France et dans une partie du monde.

On laisse en marge une partie de la population. Un peu comme si la situation dans les prisons ne nous concernait pas parce qu’elle concernerait des gens qui ont commis des méfaits.

La prison est destructrice pour celui qui la vit. Elle peut être une solution pour protéger la société, mais pour moi ce sont des cas extrêmement rare. Ce qu’on a renvoyé aux détenus et à leurs familles, c’est qu’ils ne comptaient pas. Ils n’ont absolument pas été protégés, entendus et il ont été coupés du monde extérieur. Une question se pose alors pour le futur : comment arriver à donner une place à tous les citoyens français y compris ceux qui sont incarcérés ? Pourquoi attendre qu’un drame arrive pour changer les choses ?

Avec les dernières images insoutenables de la mort de Georges Floyd aussi, faut-il éviter de montrer ce genre de drames aux enfants ou au contraire les éduquer à ces questions sociales dès l’enfance ?

Je pense qu’il faut les éduquer partout dans le monde. Finalement, pouvoir filmer tout ce qu’il se passe, c’est une chance qui nous protège face à ce qui a été dissimulé. Mais cela expose aussi à des images effroyables. Il faut être au courant de ce qui se passe dans le monde. Pour faire bouger les choses, il faut verbaliser auprès des enfants. Il faut parler de la notion de racisme qui renvoie à la question de l’autre.

Pour nous les psychologues, le racisme est une pathologie. Il y a aussi ce que j’appelle « la trace psychique dans la discrimination » chez les populations minoritaires.

Des enfants issus de la bi-culture ont eux-mêmes un regard négatif. Je sens que certains enfants qui ont grandi en France mais d’origine africaine, peuvent avoir de l’angoisse quand ils voient la police. Ce qu’on a enseigné aux enfants, c’est que selon leur couleur de peau, ils pourront être en danger ou non. C’est une réalité qu’on ne peut plus nier, qu’on doit prendre en compte avec la jeune génération.

Présente sur les réseaux sociaux comme Twitter, c'est grâce à une chaîne sur Youtube qu'elle apporte des réponses gratuites et argumentées pour des personnes qui n'ont peut-être pas l'habitude de pousser la porte de cabinets de psychanalystes. Des solutions pour des troubles du comportement ou certaines angoisses naturelles. Cette démarche est née d'une passion pour la psychologie qu'elle qualifie 'de grande force pour se connaître et connaître l'autre'.