"Un nouveau rapport du ministère de la Justice révèle que près de trois personnes sur quatre accusées de terrorisme sont nées à l'étranger. Nous avons soumis au Congrès une liste de ressources et de réformes." C’était le tweet du président américain Donald Trump dans l'après-midi du 16 janvier 2018, quelques jours avant la fermeture du gouvernement américain.
New report from DOJ & DHS shows that nearly 3 in 4 individuals convicted of terrorism-related charges are foreign-born. We have submitted to Congress a list of resources and reforms....
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) January 16, 2018
Terrorisme international ?
Le tweet du président Trump, comme tant d'autres qui l'ont précédé, était incorrect même par les normes laxistes de son administration.
Le rapport international sur le terrorisme préparé par le département du Homeland Security et le ministère de la Justice a révélé que trois personnes sur quatre condamnées aux États-Unis pour des accusations de «terrorisme international» sont nées à l'étranger. "International" signifie ici que ce nombre comprend les personnes reconnues coupables d'actes commis à l'extérieur des États-Unis.
Ce détail, bien sûr, n'avait pas d'importance pour Trump. Depuis qu'il a pris le pouvoir il y a un an, son but est de faire du terrorisme un problème «étranger», et l'immigration comme la racine de tout ce qui touche les États-Unis.
Sans surprise, le rapport lui-même, qualifié de «trompeur» et de «confus», crée plus de problèmes qu'il n'en résout.
Dans ses efforts pour combler le nombre d'Immigrants nés à l'étranger ou de la première génération reconnus coupables de crimes terroristes depuis le 11 septembre 2001, Trump déforme les statistiques et crée de nouvelles définitions du terrorisme.
Il fait cela pour amener les Américains à penser que le terrorisme est un crime étranger et particulièrement «musulman» qui doit être traité par des interdictions et des bannissements.
En outre, il exclut les terroristes suprématistes blancs des chiffres qu'il rapporte.
Des conclusions trompeuses!
Le rapport, préparé en vertu d'un décret présidentiel de mars 2017, constate que 549 personnes ont été accusées de terrorisme dans les tribunaux fédéraux américains entre 2001 et 2016. De ce nombre, 254 n'étaient pas des citoyens américains, 148 étaient nés à l'étranger mais ont ensuite obtenu la nationalité américaine, 147 étaient des citoyens américains de naissance.
Basée sur ceci, la Maison Blanche a déclaré que «le système d'immigration actuel met en péril notre sécurité nationale».
La conclusion tirée de ces statistiques est fausse. Les chiffres suggèrent que toutes les personnes incluses ont traversé le système d'immigration américain, même si elles comptent des cas comme celui d'Ahmed Abu Khattala, qui a été reconnu coupable d'avoir attaqué la mission diplomatique américaine à Benghazi, en Libye. Il a été capturé par une équipe de militaires américains et de fonctionnaires du FBI en Libye et transporté aux États-Unis à bord d'un navire de la marine en 2014. De toute évidence, Khattala n'a jamais demandé de visa pour être admis aux États-Unis.
En essayant d'augmenter le nombre de terroristes nés à l'étranger, l'administration Trump a inclus ceux qui ont été extradés aux États-Unis ou ont même commis des crimes dans d'autres pays, qui ne constitueraient pas une menace pour la sécurité nationale et aucun de ces deux facteurs ne constituerait un échec du système de contrôle de l'immigration.
Le rapport ne met pas non plus en contexte la "menace du terrorisme". Comme l'a souligné Alex Nowrasteh, analyste en immigration à l'Institut CATO basé à Washington, dans son analyse du rapport, le risque individuel d'un Américain ordinaire tué par un terroriste «né à l'étranger» est de 145 millions. Inversement, le risque moyen d'être tué par un Américain d'origine (une catégorie laissée de côté par le rapport) est de un sur 40,6 millions. Le risque cumulatif d'être tué par n'importe quel type de terroriste était de un sur 32 millions. Et pour mettre tout cela en perspective: la possibilité qu'un individu soit tué dans un homicide non terroriste aux États-Unis est de un sur 19 325.
Ce que le rapport fait avec les chiffres, il le fait aussi avec les catégories.
En notant le nombre total de condamnations, il ne tient pas seulement compte des crimes qualifiés de «terrorisme», mais inclut également la catégorie juridique inexistante des « infractions liées au terrorisme». La seule définition disponible dans les bases de données du gouvernement américain décrit cette catégorie comme «toute infraction liée au terrorisme, à la sécurité intérieure et à l'application de la loi, ainsi que toute autre information». Cela pourrait signifier n’importe quoi, ou rien du tout.
Le nationalisme blanc
Il est indiscutable que l'administration Trump a manipulé les statistiques pour dépeindre le terrorisme comme un crime étranger commis en grande partie par les musulmans.
Les "cas illustratifs" présentés dans le rapport sont tous des « hommes musulmans ».
Pour être juste, ce n'est pas entièrement une habitude d'administration Trump; de nombreuses lois américaines, telles que la loi sur le soutien matériel au terrorisme, définissent une «organisation terroriste» comme une organisation ayant des affiliations étrangères. La conséquence est que le « Nationalisme blanc » ou le terrorisme domestique est exclu des poursuites en vertu de ces lois. Autrement dit, les terroristes domestiques n'étant jamais condamnés en vertu des lois qui ont à voir avec ces définitions, les seuls criminels considérés comme des terroristes sont les personnes nées à l'étranger.
La prémisse du rapport est que si les frontières ne sont pas scellées, les interdictions décrétées, les murs construits et les déportations exécutées, les terroristes continueront à affluer dans le pays.
Quelques jours après la publication du rapport, le gouvernement américain a effectivement fermé ses portes; il est à noter que l’accord sur l'immigration était un point important dans les délibérations du Congrès. Au cours du week-end qui a suivi, des centaines de milliers de manifestants sont descendus dans la rue pour marquer le premier anniversaire de Trump dont beaucoup ont été attirés par le traitement des immigrants par son administration.
Même quand ils emploient des tactiques médiocres et alarmistes, les efforts anti-immigration de Trump continueront à faire face à une résistance massive et sont, en fin de compte, voués à l'échec.