Il ne revient pas à Macron de dire ce que doivent décider les grandes entreprises du CAC 40 dans le domaine de la répartition de la valeur ajoutée concernant: les actionnaires, l’entreprise elle-même et les salariés. Au nom de la liberté d’entreprendre, Macron commettrait une faute politique en donnant des directives précises sur les modalités de cette répartition. Néanmoins, en tant que thuriféraire d’un modèle économique social fondé sur la liberté et la protection, il peut indiquer les orientations que peuvent et doivent adopter les entreprises dans le domaine de la répartition de la valeur ajoutée qui, sur la période de 2009 à 2016, avant son élection, a largement bénéficié aux actionnaires.

On comprend pourquoi le MEDEF et les patrons d’entreprises étaient tous fiers d’avoir Macron à la tête de l’Etat plutôt que Mélenchon.

Dans une étude récente, l’ONG OXFAM a montré que sur la période 2009/2016 sur 100 € de bénéfice, les « entreprises du CAC 40 ont en moyenne versé 67,4 € de dividendes aux actionnaires, 27,3 € à l’entreprise pour l’investissement et seulement 5,3 € de prime pour les salariés ». Il ne faut pas être un grand économiste pour voir que les 2/3 des profits des entreprises profitent d’abord aux actionnaires et même quand certaines entreprises, comme Arcelor Mittal, ont été confrontées à des pertes abyssales de l’ordre de plus de 7 milliards d’euros sur la période pour un bénéfice de 3,4 milliards.

D’autres entreprises du CAC 40, comme Engie, ont versé 333% de leurs bénéfices aux actionnaires. On peut citer aussi le cas de Veolia qui a versé à ses actionnaires l’équivalent de 122% de ses bénéfices à ses actionnaires. On peut discuter de la réalité de ces chiffres, mais les faits sont là.

Macron doit dessiner un modèle économico-social articulé autour d’une répartition équitable des bénéfices

L’arrivée de Macron aux affaires en 2017 a fait naître un espoir pour les patrons et pour les investisseurs internationaux. Selon l’ONG OXFAM, les entreprises françaises apparaissent comme les championnes du monde de distribution des dividendes aux actionnaires.

« La part des bénéfices reversée aux actionnaires par les entreprises du CAC40 est supérieur de 13 points à la moyenne européenne et de 20 points à celle des Etats-Unis. » Cette situation peut apparaître comme inégalitaire et insupportable pour les salariés qui participent à la création de valeur dans les grandes entreprises françaises. Macron a théorisé la problématique du premier de cordée, nous y sommes, mais cette théorie restera socialement remise en cause si les entreprises du CAC 40 ne modifient pas leur trajectoire en matière de répartition de la valeur ajoutée. Les salariés font des efforts en matière de formation pour s’adapter aux nouvelles contraintes liées aux réformes du marché du travail initiées par le Président de la République, mais force est de constater que les entreprises françaises continuent d’avoir une conception moyenâgeuse de la rémunération du travail.

Les salariés du privé sont contraints par les stratégies de délocalisation des entreprises. On comprend mieux pourquoi dans ce secteur les grèves sont faibles, voire quasi inexistantes, les choses peuvent changer dans le futur grâce à cette étude de l’ONG OXFAM. Il reste au Président de réfléchir sur un modèle économique et social nouveau à travers le pacte de transformation de l’économie qui indiquerait une répartition équitable de la valeur ajoutée sous le format 1/3 des bénéfices aux actionnaires, 1/3 à l’entreprise pour l’investissement et 1/3 aux salariés.

Il faut que les entreprises françaises participent à la lutte contre les inégalités salariales

Dans un ouvrage collectif, Rapport sur les inégalités mondiales (2018), Thomas Piketty, économiste français de renom, auteur du best seller Le capital au 21ième siècle (2013), montre que les inégalités de revenus et de patrimoines se sont largement accrues dans le monde au profit des chefs d’entreprise et des actionnaires.

Ces inégalités accélèrent les écarts de revenus entre les dirigeants et les salariés. Il recommande des mesures de correction qui tiennent compte de la contribution des salariés et de leurs engagements au sein des entreprises. Le Général de Gaulle en son temps avait fait allusion à la problématique de la participation, celle de l’intéressement en est une autre. Comment établir un modèle à la française ? Faut-il regarder le modèle allemand de co-gestion qui donne des résultats importants dans le domaine de la gouvernance de l’entreprise à tous les niveaux, ou faut-il créer un modèle français spécifique qui atténue les grandes inégalités entre le capital et le travail dans le texte actuel de la mondialisation ?