D’un point de vue doctrinal, il peut exister une contradiction entre la libération des échanges et la protection du marché. Au plan pratique, cette contradiction n’existe pas car le marché est sous l’influence des décisions politiques. C’est le cas pour les Etats Unis et de son Président Trump qui estime que la théorie c’est bien, mais la pratique c’est mieux. Trump a construit sa fortune en s’appuyant sur les principes concurrentiels du libre-échange.

Ce qui est valable au niveau sectoriel ne l’est pas forcément au niveau de l’Etat nation. La France a tendance à l’oublier et se lance dans une course folle de libéralisation tous azimuts de son marché et de ses secteurs industriels. Pour Trump les données sont claires : on veut bien le libre-échange tout en préservant les intérêts américains. C’est en cela que l’on peut parler d’un libéralisme protecteur. Les chiffres publiés par la presse sont éloquents (même s’il faut avoir une distance vis-à-vis de ceux-ci), ils montrent que l’Allemagne exporte pour 398 milliards d’euros vers les Etats-Unis.

A titre de comparaison, la France exporte pour 185 milliards d’euros. Pour Trump, l’ennemi désigné dans l’Union européenne, c’est l’Allemagne. Au plan bilatéral et politique, Trump préfère Macron à la Chancelière Merkel. Trump foule aux pieds des décennies entières depuis 1947 (création du GATT- accord général sur le commerce et les tarifs douaniers-) les principes de libéralisation des échanges avec l’OMC (Organisation mondiale du commerce) et le consensus de Washington (démocratisation, droits de propriété, contrats, libéralisation des échanges).

Le marché politique intérieur américain permet de mieux comprendre les décisions actuelles de Trump

On fait fausse route si on regarde les décisions de Trump uniquement à l’aune du commerce international. Pour Trump il s’agit de conforter son électorat sur ses choix et promesses de campagne.

Trump a été élu car il a fait des promesses importantes concernant la ré-industrialisation et la protection des industries déclinantes américaines dans l’automobile, l’industrie sidérurgique et métallurgique. Ce n’est donc pas un hasard s’il veut taxer l’aluminium et l’acier. Trump déplace le curseur commercial vers celui plus politique pour défendre ses propres intérêts électoraux. En effet au mois de novembre auront lieu les élections du mid-term au Congrès au sein duquel les Républicains sont majoritaires. Trump souhaite conserver cet avantage en montrant à ses électeurs qu’il fait ce qu’il dit. Trump rappelle un peu Macron et sa maxime française « je fais ce que j’ai dit ». Trump n’est pas bien compris en France où l’élite intellectuelle française estime que Trump n’a pas les codes diplomatiques. Trump se fiche de ce que l’on pense de lui, il est le Président de la première puissance économique et il impose sa loi, c’est à prendre ou à laisser.

L’Europe n’a pas les moyens de laisser, donc elle prend les décisions américaines qu’elle essaie de transformer à son avantage.

Les marges de manœuvre de l’Union européenne restent limitées

La Chancelière Merkel estime que l’attitude américaine est déplacée et mal venue et que celle-ci crée un casus belli vis-à-vis de l’Allemagne et de l’Union européenne qui essaie d’organiser sa riposte en déclarant vouloir s’opposer aux décisions américaines. L’UE reste un nain politique et militaire vis-à-vis des Etats Unis, même si c’est une puissance commerciale importante. Les Etats Unis le savent et s’attaquent au maillon le plus fort, l’Allemagne. La commission européenne et son Président Juncker organisent la riposte sur quelques produits américains.

C’est une riposte insuffisante et qui étale au grand jour les faiblesses de l’Union européenne, ses divisions politiques internes et son incapacité à avoir des politiques communes vis-à-vis des Etats Unis, quand on sait que des pays comme la Pologne ou la Hongrie préfèrent sur le plan commercial et militaire acheter des F16 américains plutôt que des Rafales français. Ainsi va le monde commercial dominé par un Trump qui négocie à la carte avec les Chinois, les Canadiens, les Européens, les Mexicains, etc. Pour Trump, haro sur le multilatéralisme et vive l’unilatéralisme qui est souvent assimilé et confondu avec de l’isolationisme en France, ce qui est une erreur conceptuelle. Les Etats Unis ne s’isolent pas, ils imposent de manière personnelle le rythme au reste du monde.