Le maire de Provins a organisé un référendum local pour demander à ses administrés leur accord/désaccord pour l’uniforme à l’école primaire, en attendant éventuellement d’étendre la décision au collège. Le résultat est éloquent : 62% des parents sont pour l’uniforme, 38% sont contre. Comme d’habitude, et c’est la tradition française, il y a des voix dissonantes et consensuelles. Les voix dissonantes estiment que c’est un sondage pour rien et que l’uniforme ne fait pas disparaître les inégalités très fortes à l’école entre les enfants dont les parents appartiennent aux catégories socioprofessionnelles moyennes et supérieures et les enfants dont les parents relèvent des catégories socioprofessionnelles populaires.

Pour les contempteurs de l’uniforme, les inégalités ne disparaissent pas par le port de l’uniforme mais contribuent à accentuer les déséquilibres scolaires entre les élèves. Pour les voix consensuelles, l’école va mal, les critères d’effort, de respect de l’autre ont disparu. L’école va mal, elle est productrice d’inégalités parce qu’on y approfondit le droit à la différence et à l’individualisation. Les enfants qui n’ont pas acquis les codes de cette individualisation, restent forcément sur le bord du chemin car ils ont l’impression de participer à une éducation égalitaire mais qui reste fondamentalement inégalitaire dans les faits et les pratiques. Si l’uniforme ne gomme pas et ne fait pas disparaître les inégalités, au moins il fait prendre conscience du statut d’élève sans faire disparaître la personnalité individuelle.

C’est un vaste débat dont notre société chérie a l’habitude : de grandes phrases sont délivrées, de grandes interrogations sont énoncées, de grands troubles sont avancés dans l’espace politico-public, toujours au nom de l’émotion et pas souvent au nom de la raison.

L’uniforme n’a jamais été un instrument d’égalité républicaine

A la différence des modèles anglosaxons où l’uniforme joue un rôle important dans la différenciation entre les filles et les garçons, cette différenciation permettant in fine de construire une appartenance et une socialisation propice au respect des valeurs de la communauté scolaire, comme on l’a vu pour Oxford et Cambridge lors des compétitions sportives, en France le problème est tout autre.

Les élèves français ont porté des tabliers et des blouses dans les années 1900, jusque dans les années 70, les professeurs portaient une blouse blanche, avec cravates pour les hommes et une tenue correcte pour les femmes. Pour les élèves, ce n’était pas un uniforme, il s’agissait de ne pas tâcher les habits car l’instrument technique était la plume et non le stylo bille actuel. Les thuriféraires de mai 1968 ont combattu à tort cette façon de faire car ils estimaient que c’était de l’embrigadement pour des élèves dominés par un modèle patriarcal. Ce sont les mêmes, devenus bourgeois, qui crient sur les plateaux de télévision que l’école va mal, qu’il n’y a plus de référence. La blouse n’était pas un uniforme mais c’était un marqueur social en fonction de la qualité du tissu, du nom inscrit sur la blouse pour distinguer de façon subtile les élèves.

Au-delà de ces signes, la blouse était néanmoins un élément important pour donner à tous les élèves le sentiment d’appartenance à leur statut d’élève.

Le Ministre Blanquer est d’accord avec le référendum local de Provins

Le Ministre de l’Education nationale, réformateur du système éducatif (parcoursup et bac), est d’accord avec l’expérimentation du maire de Provins, ville qui a été naguère administrée par Alain Peyrefitte, Ministre de l’information du Général De Gaulle et académicien, dont le livre célèbre (raillé et critiqué) trouve aujourd’hui une résonance moderne « Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera. ». La référence à ce personnage montre que le port de l’uniforme réunit les traditionnels et les égalitaires au sein de la République (François Jacob, LR, fut maire de Provins).

Ces traditionnels/égalitaires peuvent être de droite/gauche. Nous sommes dans la macronie de communication et dans l’ambiance du nouvel espace politico-institutionnel. Pour Blanquer il faut continuer ce type de référendum à condition d’en intégrer les résultats quand ils sont positifs dans les différents règlements intérieurs. L’uniforme fait-il disparaître les inégalités scolaires ? Non mais il permet de construire progressivement le sentiment d’appartenance des élèves à un lieu commun et républicain, l’école. Les contempteurs de l’uniforme mettent l’accent sur la différenciation et la personnalisation des caractères des élèves. Soyons sérieux, on n’est ni à Cuba, ni au Venezuela, nous sommes en France. Il faut arrêter les plaintes larmoyantes.