La monarchie républicaine que représente la France, a ceci d’angoissant pour le monarque-président : il est en même temps fort et faible face à l’opinion publique. Fort car il détient le maximum de pouvoirs que lui confère la Constitution, faible car il ne peut arrêter les affaires le concernant dès lors que celles-ci sont dans l’opinion. Les réformes menées au pas de charge (ordonnances sur le marché du travail, dédoublement des classes dans le primaire, parcoursup, réorganisation de la SNCF, présentation des rapports sur l’hôpital et la lutte contre la pauvreté, pacte et réforme constitutionnelle à venir) deviennent de moins en moins lisibles à cause d’une opinion publique qui, tous les jours, est plus attirée par les objets médiatiques que constituent l’affaire Benalla, les démissions de Nicolas Hulot (Ministre d’Etat en charge de la transition écologique) et de Laura Flessel (Secrétaire d’Etat aux sports), et l'annonce de Gérard Collomb, Ministre de l’Intérieur, qui a décidé de quitter son ministère après les élections européennes pour conduire une liste lors des élections municipales de 2020 à Lyon.

Tous ces événements mis bout à bout donnent l’impression d’un énorme cafouillage car l’opinion publique ne retient que le sensationnel (Affaire Benalla) et laisse de côté ce qui fait le mantra de la politique réformiste de Macron.

Le président Macron, par sa verticalité trop forte, a oublié l’essence même d’une démocratie pluraliste

Dans l’affaire Benalla, le Président, après des semaines de silence et une mauvaise gestion en matière de communication, a joué les bravaches en demandant aux députés et aux sénateurs « de venir le chercher ». Cette façon de faire n’a pas eu l’heur de plaire à la représentation nationale, surtout aux sénateurs dont la commission continue d’auditionner Benalla, alors que celle de l’Assemblée nationale, pilotée par une députée LREM, a rapidement cessé les auditions.

Les hésitations du Président concernant le prélèvement à la source alors que le dossier était bouclé, les récriminations permanentes des retraités qui s’estiment victimes du matraquage fiscal, la sortie médiatique de Collomb sur l’humilité des Ministres et du Président, ont fini par déstabiliser la stratégie de Macron dominée par la verticalité. Dans un système démocratique, l’horizontalité exigée par les institutions (Parlement), est là pour rappeler au président Macron qu’il lui faut revenir sur terre. Dieu-Jupiter existe, mais son action ne s’exerce pas dans les cieux mais bel et bien dans la société. Le président Macron est dans un trou d’air. Toute la justification de son programme présidentiel articulé autour des nouvelles pratiques du nouveau monde prend l’eau aujourd’hui et montre que Macron est finalement un président normal, comme ceux qui l’on précédé, et qu’il a bénéficié d’un contexte politique extraordinaire pour être élu (disparition de Fillon, incapacité de Marine Le Pen et défiance vis-à-vis de Mélenchon).

La start-up LREM qui a permis au président d’être victorieux connait des ratés car, une fois au pouvoir, le Président a beaucoup de mal à la faire fonctionner. Il n’a pas de relais sur le terrain malgré une majorité pléthorique à l’Assemblée nationale.

Emmanuel Macron doit quitter l’ivresse des sommets et réenclencher un nouveau cycle politique jusqu’en 2022

Un an après sa victoire Emmanuel Macron avait borné son chemin : parler moins (ce qui ne veut pas dire rester silencieux) et aller à l’essentiel. Or, depuis quelques temps, le Président en redescendant de temps en temps sur terre, se met à parler de la France même à l’étranger (alors qu’il s’était interdit de le faire). Tout en restant au sommet de l’Olympe, donc prêt des dieux (ce que les Français lui reconnaissent car il a réussi à restaurer la fonction présidentielle abîmée par François Hollande), Emmanuel Macron doit éviter de faire du Sarkozy.

Il doit redéfinir une stratégie politique claire que le délégué général du mouvement, Christophe Castaner, n’arrive pas à imprimer sur le terrain, malgré sa bonne volonté. Emmanuel Macron doit passer à la phase 2 de sa stratégie politique, celle de la gestion du pouvoir au service des Français. Dialoguer avec les Français c’est bien intellectuellement, mais politiquement il faut introduire une méthode et une pédagogie. Les réformes, c'est très bien, mais il faut expliquer le sens de celles-ci. Le grand discours sur la laïcité attendra un peu. Les réformes économiques tardent à donner des fruits consistants, la théorie du premier de cordée a du mal à produire des résultats convaincants. Laissons le temps au Président Macron avant apprécier le bilan des réformes économiques prises... mais jusqu’à quand ?