Après le remaniement ministériel, le président Emmanuel Macron vient de lancer sa longue campagne de reconquête de l’opinion publique française. Depuis des mois Emmanuel Macron semblait être en inadéquation avec les Français qui lui reprochaient son appétence pour les premiers de cordée (c'est-à-dire les plus riches) et de considérer les classes moyennes et populaires comme catégories négligeables, or Emmanuel Macron doit ses 24% du premier tour de l’élection présidentielle et sa victoire finale aux classes moyennes et populaires de ce pays.
Que doit-on retenir de l’intervention du président de la République une fois le remaniement acté après le départ de l’ancien ministre de l’Intérieur Gérard Collomb dont l’intérim a été assuré par le Premier ministre Edouard Philippe ?
La nomination de Christophe Castaner, un des affidés du Président, au poste de ministre de l’Intérieur vient clore la séquence Collomb en inaugurant une nouvelle donne marquée par un mea culpa qui dit son attitude délétère à certains moments vis-à-vis des Français. Essayons d’analyser les éléments politiques de l’intervention d’Emmanuel Macron.
Décryptage de la communication présidentielle après le remaniement
Le président de la République, pendant sa campagne présidentielle et pendant un an, a eu une communication claire, lisible et validée par les Français. Jupiter, maître des horloges, s’est pris progressivement les pieds dans le tapis dans la gestion du pouvoir. Il a commencé, fier de la maîtrise de sa place auprès des dieux, à s’exprimer de façon quasi vulgaire quand il descendait du ciel et allait à la rencontre des Français.
Il a utilisé un langage désinvolte qui n’a pas toujours été compris par les Français. Sa communication en a pris un coup, ce qui a eu l’heur de compliquer sa position avec l’affaire Benalla quand il a lancé à la cantonade et aux députés « qu’ils viennent me chercher ! », sachant que les institutions de la 5ième République établissent une relation étanche entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
La démission de Hulot et surtout celle de Gérard Collomb, la mauvaise communication lors de l’affaire Benalla, ont eu raison de la communication claire du président Macron au moment de sa prise de pouvoir en tant que président de la République.
Le mea culpa présidentiel de ce 16 octobre 2018, la demande de patience aux Français, la prise en compte des désordres mondiaux et de la nécessité de la France d’exister, la bataille européenne contre les nationalistes, l’attitude d’humilité adoptée par le président au cours de son intervention, la non-utilisation du prompteur et la lecture de notes raturées montrent que Macron a mis en scène sa communication qui vise à montrer que le président n’est pas autiste mais qu’il comprend les Français et qu’il va modifier sa méthode dans la façon de faire et de présenter les réformes.
Macron et sa nouvelle gestion du pouvoir
On a longtemps reproché à Macron d’être Jupiter et maître des horloges. On peut penser que, ce soir, il comprend que la France est une Nation particulière, marquée par une passion de l’égalité analysée par Alexis de Tocqueville dans son ouvrage « De la démocratie en Amérique ».
Le président Macron a fait profil bas, tout en réaffirmant la poursuite des réformes. On attend que le nouveau casting gouvernemental, dominé par le centre-gauche et le centre-droit, explique un peu plus les réformes à venir (retraites, constitution, pacte). Les ministres doivent être plus présents politiquement sur le terrain. Ainsi va la France qui préfère la politique à la technique, tout au moins au niveau des décisions qui engagent l’avenir à long terme des Français.
Il faut maintenant attendre que les réformes entreprises par le président Macron (SNCF, ordonnances sur le travail, Education nationale, apprentissage, etc) produisent leurs effets pour que le discours de ce mardi 16 octobre soit considéré comme le discours de vérité du président Macron avec la Nation.
Au total, le président Macron a choisi le registre du discours solennel pour s'adresser aux Français ; tous les éléments d'un bon discours y étaient, mais on a l'impression que le président n'a pas habité son discours et qu'il semblait perdu. Le président Macron a fait un double pari : montrer qu'il est le vainqueur du bras de fer sibyllin qui l'a opposé au Premier ministre dans la constitution du gouvernement et réaffirmer son autorité. Dans les deux cas, il y est parvenu mais son discours est resté quasiment désincarné malgré son mea culpa.