Les gilets jaunes ont bousculé l’espace politique français soumis à la verticalité des décisions du président Macron. Pour le Président élu, il s’agit d’appliquer tout son programme au nom de la légalité et de la légitimité de son action. Cette légitimité est contestée par une partie de la population représentée par les gilets jaunes qui estiment qu’un Président élu avec 23% des suffrages au premier tour ne peut pas représenter toute la légitimité institutionnelle.
Les mouvements de colère des gilets jaunes ne sont pas un défi au programme d’Emmanuel Macron car on n’en connaît pas encore les résultats. C’est plutôt un signe d’une crise démocratique profonde qui a commencé avec le dégagisme politique né de la victoire du président Macron. Les revendications des gilets jaunes ont commencé par un problème quotidien (taxe sur les carburants) et se sont élargies à des demandes socialement compréhensibles du point de vue des gilets jaunes mais institutionnellement inacceptables (demande de démission du président Macron, mise en place immédiate d’un référendum d’initiative citoyenne qui exige une modification constitutionnelle).
Les gilets jaunes, par l’ampleur de leur mouvement, obligent le président Macron à plus d’horizontalité dans sa gouvernance et sa recherche de démocratie participative.
Vœux du 31 décembre autour de deux points : cohésion nationale grâce au débat et acceptation du RIC
La cohésion nationale doit être le point de départ de l’adresse du Président de la République aux Français. Cette cohésion doit être intégrée dans le débat national que le Président organise sur le territoire et dont l’ancienne ministre sarkozyste Chantal Jouanneau sera la pilote. Pour que le débat ne soit pas un flop, la présidente Jouanneau doit en préciser les modalités, les méthodes et la manière de tenir compte des résultats applicables à court, moyen et long terme.
Si ce n’est pas le cas, ce sera un énième débat qui n’aura servi à rien, si ce n’est qu’à entretenir l’illusion d’une horizontalité. Il faut éviter que le débat soit une foire d’empoigne et reproduise à l’envers l’élection présidentielle de 2017. La crise des gilets jaunes a montré que les Français avaient besoin de politique et de faire de la politique. De ce point de vue là, le parti présidentiel doit construire un corpus idéologique qu’il n’a pas. On ne peut se contenter de réponses techniciennes qui finissent par devenir très vite insuffisantes et inappropriées. Les gilets jaunes souhaitent l’application du RIC (référendum d’initiative citoyenne). Il faut les écouter : "Les municipalités sont devenues les lieux de l’innovation sociale et politique, car elles disposent des leviers pour susciter la contribution des citoyens", dit le le sociologue Loïc Blondiaux cité par Le Monde, tout en montrant que l’application ne peut être immédiate mais que ce mode de gouvernance nécessite un processus légalisé et légitimé par les institutions.
Vœux : moyen pour le Président de repréciser son projet politique pour la France
Les constats ont été faits : la France souffre depuis 40 ans de nombreux maux (dette, chômage, déclassement, fiscalité trop élevée, inégalité territoriale, déficit de représentativité, démocratie trop centralisée, etc.). Il faut que le Président reprécise son projet pour la France et non son programme. Le projet, c’est vision et le destin pour la France. Le programme, c’est la méthode technique (retraites, assurance-chômage, fonction publique), c’est la pratique du projet sur le terrain. Les Français demandent une co-construction de la loi. Il faut que le Président, sa majorité et l’ensemble de la société arrivent à moderniser la société française par une pratique d’une délibération beaucoup plus intense en amont et une implication de la plupart des Français élus ou non : "Pour beaucoup, il n'y a qu'une solution : ne plus réagir a posteriori, une fois que tout le monde est au milieu du gué et pris en otage, martèle un élu du Tarn, mais agir en réformant le débat public qui précède tout projet".
Il faut faire appel au génie français pour à la fois faire coexister une démocratie représentative et des éléments venant de la démocratie directe par des méthodes de tirage au sort de citoyens appelés à participer à la co-construction de la loi. Assez paradoxalement, les gilets jaunes demandent plus d’ordre et plus de compréhension dans le lien qui les unit au suzerain-roi. Emmanuel Macron est féru d’histoire mais ne comprend pas l’histoire sociale et politique de ce pays. C’est faux de croire que c’est un pays marqué par l’individualisme, pays au sein duquel on peut dérouler les vertus du mondialisme et du libéralisme sans garde-fou. Voilà le nouveau projet pour Emmanuel Macron.