Après 18 mois d’une présidence sans nuages où la France a retrouvé sa verticalité et son autorité au plan mondial, le président Macron est englué au plan interne par des révoltes sociales dont les causes sont anciennes. Le Président a bénéficié de 24% des votes du corps électoral au premier tour de l’élection présidentielle. Le rejet de Marine Le Pen au second tour par les Français a permis de donner une double victoire présidentielle et législative à Emmanuel Macron. Fort de cette légalité juridique et légitimité politique, le Président reforme radicalement la société française sans états d’âme.
De nombreuses réformes ont été entreprises et on attend leurs effets qui tarderont ou pas à venir. Parmi ces réformes, le cadeau fiscal fait aux Français les plus riches cristallise les rancœurs car la plupart des Français estiment que le président Macron approfondit les inégalités sociales alors que lui pense, au nom de la théorie du ruissellement, que les plus riches vont investir en France à la suite du cadeau fiscal reçu. La théorie du ruissellement est politiquement correcte et discutable du point de vue économique.
La théorie économique du ruissellement exige des conditions
La théorie du ruissellement est une théorie politique et économique qui part du principe que les revenus des individus les plus riches sont réinjectés dans l’économie lorsque ceux-ci bénéficient des baisses d’impôts.
Le problème est que la réinjection de monnaie n’est pas automatique et l’argent reçu peut être thésaurisé (accumulation d’une épargne passive). Cette thésaurisation, lorsqu’elle est permanente, devient structurellement inactive pour l’investissement, la consommation et la création des emplois. En inspecteur des finances averti, doublé de l’économiste qu’il est, le président Macron le sait.
Au contraire, comme l’écrivait l'économiste Gaël Giraud dans La Croix : « L’épargne surabondante (…) est réinvestie dans des paris d’argent sur les marchés financiers et immobiliers, où elle alimente diverses bulles. » La théorie du ruissellement n'a donc pas que des avantages pour l'investissement productif. La décision prise de favoriser les plus fortunés des Français est d’abord politique et éminemment incitative.
Il aurait fallu que le Président impose des conditions draconiennes, comme le remboursement des sommes reçues si au bout d’une période donnée, le niveau de l’emploi des investissements n’a pas augmenté. Si on revient à l’analyse économique, on peut, à la décharge des plus fortunés des citoyens français, répondre que la décision d’investir dépend de l’efficacité marginale du capital, c'est-à-dire des profits anticipés par l’entrepreneur ; or ces profits anticipés sont aussi fonction de l’état du marché, de l’environnement économique et des décisions politiques. Le président Macron risque de porter jusqu’à la fin de son quinquennat la morsure délétère du président qui ne travaille que pour les plus riches.
Les gilets jaunes sauvent le reste du quinquennat du président Macron
En prenant en compte les revendications sociales et institutionnelles des gilets jaunes, le président Macron est revenu aux fondamentaux des marcheurs : l’écoute et le dialogue social. En instaurant un débat national sur les différents thèmes (fiscalité, transition écologique, fonctionnement de l’Etat et des services publics, démocratie et représentativité et peut-être immigration et identité nationale), le président Macron envoie un message clair aux gilets jaunes et à la France en leur disant qu’il allait faire de la politique autrement. La verticalité ne disparaît pas, ce qui justifie les réformes, en revanche la prise en compte de l’horizontalité sociétale par le dialogue permet de structurer le corps social français et les revendications de celui-ci.
C’est une opportunité extrême pour le président Macron. Certains politologues étrangers comme l’Allemand Yascha Mounk, enseignant à Harvard, estiment dans une interview à l’Express que le président Macron doit continuer les réformes mais en arbitrant intelligemment la cohabitation de la société française avec les problématiques de la mondialisation et de l’ouverture des économies : "Il n'a pas d'autre choix que de continuer sur son train de réformes, mais en montrant, de façon beaucoup plus nette qu'il ne se range pas du côté des riches." Le président Macron doit revenir sur sa jambe gauche, mieux configurer son programme politique et économique et donner un corpus idéologique plus clair à son mouvement LAREM qui de plus en plus apparaît comme la République d’Emmanuel Macron au lieu d’être la République en marche.