Le président Macron et les politiques français sont confrontés à un problème de règle politique venu d’ailleurs. Le mouvement des gilets jaunes a surgi dans l’espace politique français en déboussolant les certitudes de notre jeune Président marqué par la rationalité procédurale qui a sillonné toute sa vie intellectuelle et professionnelle. Les gilets jaunes représentent un mouvement nouveau qui tire sa maturité et son existence des réseaux sociaux. L’analyse est intéressante car elle met au défi les politiques et le Président de définir avec précision les leaders et les agendas des gilets jaunes.

Le réseau, par définition, est une communauté de populations avec des agendas différents mais qui finissent par se coaguler sur un point : la hausse du prix des carburants. Pour avoir sous-estimé cet état de fait, le président Macron est obligé de suivre le mouvement, de l’accompagner, lui qui d’habitude montre la voie : réforme de la SNCF, ordonnances sur le marché du travail, réformes à l’Education nationale. Concernant les revendications des gilets jaunes, le Président et son gouvernement semblent dépassés, même si des réponses à court terme ont été apportées. Une partie des gilets jaunes accepte ces mesures (abandon de la hausse des carburants en janvier 2019, hausse discutable du SMIC de 100€, prime de 1000 € non assujettie à la CSG et à la CRDS, heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées), l’autre partie continue l’occupation des ronds-points.

« A la veille de l’acte V du mouvement des Gilets jaunes, Michel Delpuech, le préfet de Paris, a indiqué, ce vendredi, « se préparer à la situation qui pourrait être la pire ». Car en dépit des annonces faites lundi soir par Emmanuel Macron pour tenter d’apaiser la colère, les appels à la mobilisation pour une nouvelle journée d’action, ce samedi dans la capitale et en province, n’ont pas vraiment faibli », écrit la Dépêche du midi.

Les gilets jaunes, un mouvement insaisissable

Le mouvement apparaît comme un carnaval dans lequel on trouve des hommes et des femmes, de tout âge, qui crient haut et fort leur déclassement dans la République. Il est constitué en majorité des classes moyennes inférieures, des classes populaires et des retraités. On y trouve une surreprésentation des femmes, pour la plupart retraitées ou chefs de famille monoparentale.

Ces populations évoquent un mal de vivre que les politiques ont ignoré depuis une trentaine d’années. La plupart des gilets jaunes appartiennent à des catégories de population taiseuses et qui, politiquement, se sont réfugiées dans le silence de l’abstention au moment des élections. Les politiques ont fait une fausse analyse en pensant que cette abstention était plus poussée dans les métropoles urbaines que dans les zones rurales. La vérité est autre. Cette abstention n’est pas le fait de personnes qui étaient contre le système mais de Français qui voulaient plus de justice sociale et plus de politique redistributive en fonction des impôts qu’ils estiment trop élevés. Ils ne demandent ni l’aumône, ni l’assistanat.

Ni Macron, ni les politiques n’ont saisi les attentes de ces populations atypiques que l’on pensait invisibles mais qui existent bien au cœur de nos territoires. « Vous avez dit, M. le président, sentir le malaise démocratique dans le pays. Mais que proposez-vous pour le résoudre ? Rien ! », s’indignaient deux des initiateurs du mouvement, Priscillia Ludosky et le très controversé Maxime Nicolle, lors d’une conférence de presse, jeudi, cite Le Monde.

Les gilets jaunes, une demande de considération sociale et politique

Il s'agit d'un mouvement atypique. Les politiques souhaitent qu’il se structure en organisation avec des leaders reconnus. Les gilets jaunes sont dans une approche instrumentale alors que le président Macron et les politiques souhaitent les ranger et les organiser dans une approche procédurale (syndicats, partis politiques).

Ils sont des mouvements ad hoc avec des demandes sociales contradictoires, complexes, désorganisées ; ce qui constitue un défi à l’intelligence cartésienne des politiques français qui ne sont pas habitués à la contingence managériale. La plupart des politiques français sont des professionnels qui sont rémunérés en fonction de leurs mandats. Rien de tout cela pour les gilets jaunes qui sont un mouvement « carnaval », incandescent, au sein duquel on trouve des femmes et des hommes encartés ou non politiquement. Ils demandent du respect, une baisse des impôts et une hausse des salaires.