On critique nos sociétés en disant que ce sont des sociétés de consommation. La publicité est omniprésente, qui nous incite sans cesse à consommer plus. Les objets de consommation sont devenus des objets de culte : il faut posséder le dernier Iphone, un sac Louis Vuitton, montrer qu'on a les moyens de consommer. Consommer pour consommer. Mais cette pratique de la consommation n'est-elle pas limitée ? Après tout, on ne consomme que pour autant qu'on en a les moyens, dans les limites de son budget. La consommation à outrance qu'on dénonce est-elle une réalité pour la plupart des gens.
Et, quand bien même, elle le serait, faudrait-il déplorer l'émergence d'une véritable société de consommation ?
Toujours plus de productivité
Le capitalisme est une forme de production révolutionnaire et donc progressiste. La recherche du profit exige la révolution permanente du mode de production parce qu'elle exige un abaissement permanent de la valeur de la force de travail et du prix des subsistances nécessaires et, donc, une augmentation de la productivité. C'est ainsi que s’est constituée la formidable infrastructure collective des sociétés industrielles, condition permanente des progrès de l’industrie. Cette infrastructure n’a pu être constituée que grâce au surcroît de travail collectivement utilisable obtenu par le capitalisme.
La multiplication des besoins
La société capitaliste entraîne une multiplication et une spécification indéfinie des besoins, des moyens et des jouissances et, d’un autre côté, l’accroissement indéfini de la dépendance et de la nécessité et la dureté d’une condition sociale qui se heurte à la résistance d’une matière rebelle.
Elle entraîne une multiplication des besoins, des moyens et des jouissances. La société capitaliste est critiquée comme société de consommation, c'est-à-dire comme une société qui, fabriquant sans cesse de nouveaux produits, doit toujours trouver pour eux des consommateurs et par conséquent sans cesse susciter des besoins artificiels.
L'idéal d'une société de consommation
Mais on ne peut pas reprocher au capitalisme de développer une société de consommation. D'abord, on ne peut pas lui reprocher de créer des besoins non naturels, car il n’y a pas de besoins humains naturels : il n’y a pas vraiment de limite fixe dans la séparation entre les besoins naturels et ceux qui résultent de la culture et de l’histoire. Ensuite, on ne peut reprocher au capitalisme d’augmenter le nombre des besoins, car la multiplication des besoins entraîne un plus grand raffinement. On doit donc louer le capitalisme comme société de consommation. Le développement d’une société de consommation comporte un véritable aspect libérateur : au sein d’une société de consommation, les désirs seraient en permanence satisfaits.
Un idéal non atteint
En revanche on peut reprocher au capitalisme de ne pas être une société de consommation en tant que forme de production qui cherche la valeur d’échange, non la valeur d’usage. D'un sens, le mode de production capitaliste n’est capable de satisfaire que les besoins solvables, c'est-à-dire ceux capables de fournir des valeurs en échange de leur satisfaction. Le capitalisme ne produit pas quelque chose pour qu'il soit consommé, mais pour faire un profit. C’est pourquoi il laisse sur le carreau des défavorisés : les deux tiers de l’humanité vivent encore sous le seuil de pauvreté.
Pour une société du loisir
Il y a donc une contradiction dans nos sociétés. D’un côté, le capitalisme a enrichi les collectivités et libéré l’homme de l’esclavage en instituant le salariat.
Il a enrichi les sociétés en transformant la richesse en capital et donc en moyen d’une production sociale. Mais, d’un autre côté, le capitalisme ne libère pas le temps puisqu'il exproprie le travailleur et le condamne à travailler tout le temps et à n’avoir pas de temps libre. La société capitaliste est une société du travail et non, comme on le prétend, du loisir.
La fin du capitalisme ?
Certains, comme J. Rifkin, annoncent la fin du capitalisme, en annonçant la fin du travail (remplacé par des robots et du virtuel), et l'émergence de la consommation collaborative (à l’exemple du covoiturage promu par BlaBlaCar) et d'une société du partage : crowdfunding (passage d’un canapé à l’autre, c’est-à-dire échange d’appartements entre particuliers sur le modèle Airbnb), crowdsourcing ou crowdfunding (financement collaboratif par des particuliers qui court-circuitent les banques traditionnelles), et pourquoi pas lovesurfing, l’amour collaboratif, non possessif ni exclusif.
Mais c’est là une utopie. Rifkin prétend que la logique compétitive du capitalisme conduit à la mort du capitalisme selon un processus fatal : la concurrence oblige les entreprises à tout faire pour baisser les coûts de production, donc à réduire les profits. Or l’émergence de l'économie collaborative résulte en fait du développement d'une idéologie ultralibérale, où les individus échangent avec moins de contraintes, sans s'embarrasser d'intermédiaires et de régulations imposées par ceux-ci.