Toute la France attend impatiemment le discours de déconfinement du premier ministre Edouard Philippe ce mardi 28 avril 2020 à l’Assemblée nationale. Au cœur de ce discours la problématique du masque risque de devenir une affaire politique si le Premier ministre ne donne pas les éléments concrets concernant leur production. Les masques seront-ils en nombre suffisant pour protéger la population française ? Seront-ils payants ou gratuits ? Dans quels lieux faudra-t-il porter les masques de façon obligatoire ? Y aura-t-il des sanctions pour ceux qui n’en porteront pas ?

La société française reste plongée dans l’indécision et le masque devient un objet important au cœur du pilotage de la crise sanitaire par l’État français.

Le port du masque, une question politique

Après un discours inaudible sur le port ou non du masque, la communication gouvernementale a progressivement évolué. Du directeur de la santé, Jérôme Salomon, en passant par la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, on note que cette question du masque est devenue une question politique car, au cafouillage de départ en matière de communication de la part du gouvernement, on est passé peu à peu à une communication structurée sur l’utilité du port du masque voulue par la commission scientifique présidée par Jean-François Delfraissy.

Il faut noter qu’officiellement et au début, la commission scientifique qui entoure le président Macron n’était pas pour le port du masque.

Au moment où se profile le déconfinement prévu pour le 11 mai, les Français sont inquiets pour retourner au travail (entreprises, administrations, écoles, associations, etc.). Les Français perçoivent que l’Elysée et le gouvernement ont largement menti sur la gestion du COVID 19.

Pour la plupart d’entre eux, l’État n’est pas capable de les protéger. Il y a un bouleversement idéologique qui est en train de s’opérer. L’État protecteur qu’ils ont toujours soutenu, est en train de les abandonner car celui-ci demande aux citoyens de fabriquer eux-mêmes leur propre masque.

Les masques bouleversent le discours politique et l’organisation de la société

Pour les Français, le masque (comme les tests) est en train de devenir un sujet politique. La plupart d’entre eux reconnaissent l’incapacité, voire l’incompétence de l’État à tenir un discours cohérent sur l’utilisation du masque. Pour d’autres, il faut repenser les rapports entre un Etat devenu trop obèse, une administration incapable et des pratiques agiles de la part des citoyens.

On attend du discours du Premier ministre une communication claire concernant l’utilisation du masque dans les lieux publics comme l’école. Faut-il des masques pour tous, élèves, agents, professeurs ? Faut-il porter des masques dans les transports et lieux publics ?

Quel discours politique clair tenir en direction des citoyens sur cette problématique des masques sans accentuer la défiance des citoyens envers l’État ?

L’après COVID 19 annonce des modifications idéologiques importantes sur les rapports entre individus et Etat. On parle de plus en plus de relocalisation de production des masques, des médicaments et d’autres activités en France. Est-ce une solution transitoire de débat ou une pratique définitive ? Pourquoi l’État, symbole de toutes les protections, est-il ainsi mis en défiance par les populations ? L’État reconnaît, par l’absurde, qu’il ne peut pas tout. La production des masques par les associations et les individus montre que le lien entre le producteur et le consommateur peut emprunter des chemins courts et nous sommes peut-être au cœur d’une révolution culturelle, idéologique et intellectuelle.

Le rééquilibrage des rapports entre individus et Etat dans la sphère politique

La présence omnisciente, voire totalisante, de l’État français dans l’espace politique doit être revue. L’individu doit y trouver une place forte. L’État français doit progresser vers un modèle « jacondin », pour reprendre l’expression du chroniqueur politique et professeur à Sciences Po Olivier Duhamel. Il s’agit pour lui de revoir les fondements d’un Etat jacobin et d’une valorisation des pratiques décentralisées de celui-ci. Ces pratiques seraient exercées par les régions, les départements, les mairies et donc fondamentalement par l’individu.

Les élites politiques françaises, après le COVID 19 et l’affaire des masques, sauront-elles se réformer, se reconstruire sans forcément penser à sauver leurs privilèges et leurs postes ?

L’affaire des masques accentue la défiance des citoyens vis à vis de l’État. Il restera au président Macron, dans sa volonté de se réinventer, de réfléchir à la façon de construire les nouveaux liens sociaux entre l’État et les individus citoyens.