"Comment peut-on dire que j'ai favorisé les intérêts de l'État libyen ? C'est moi qui ai obtenu le mandat de l'ONU pour frapper l'État libyen de Kadhafi. (...) Croyez-vous que si j'avais la moindre chose à me reprocher en la matière, j'aurais été assez bête, assez fou pour m'attaquer à celui qui m'aurait à ce point financé ? [La France a été l'un des principaux acteurs de la chute du dictateur libyen en 2011, NDLR] (...) J'ai perdu l'élection présidentielle de 2012 à 1,5%. La polémique lancée par Kadhafi et ses sbires m'a coûté ce point et demi".

C'est ce que l'ancien président Nicolas Sarkozy a déclaré au juge Serge Tournaire avant que ce dernier le mette en examen ce mercredi pour "Corruption passive", "financement illégal de campagne électorale" et "recel de fonds publics libyens".

L'ancien chef de file de l'UMP était en garde à vue depuis mardi au sein de la brigade anti-corruption de Nanterre. Placé sous contrôle judiciaire, il a ensuite pu rejoindre son domicile, mais ses avocats n'ont encore fait aucune déclaration à la presse.

Rappel des faits

Tout a commencé en Mai 2012 lorsque Mediapart publie un document procuré en Libye, dans lequel est évoqué un financement d'environ 50 millions d'Euros que le régime de Mouammar Kadhafi auraient versé à Nicolas Sarkozy pour sa campagne électorale victorieuse de 2007.

En échange, la Libye pouvait enfin nouer des relations diplomatiques et commerciales avec l'Hexagone et d'autres pays européens. Même si l'ancien président français a toujours nié l'existence de ces versements en argent liquide, plusieurs anciens responsables du régime libyen l'ont confirmée, mais d'autres ont nié.

Le principal accusateur de Nicolas Sarkozy n'est autre que Ziad Takieddine, l'homme d'affaires franco-libanais impliqué dans la signature de nombreux contrats internationaux, notamment entre la France et plusieurs pays africains et orientaux.

Ce dernier a déclaré aux juges avoir participé à ce transfert d'argent illicite entre la Libye et la France. Il a par exemple assuré avoir transporté trois valises de cinq millions d'Euros destinées à celui qui sera élu président de la République quelques mois plus tard.

Les éléments qui ont entraîné la mise en examen de N. Sarkozy

Jusqu'à présent, les preuves accusant Nicolas Sarkozy n'étaient pas assez solides pour justifier une quelconque garde à vue ou mise en examen. Mais selon l'AFP, la Justice a récemment pris connaissance d'un rapport de l'office anti-corruption démontrant l'existence de sommes en espèces considérables chez les proches de celui qui était à l'époque ministre de l'Intérieur.

Selon son entourage de campagne, dont le trésorier Eric Woerth, ces sommes étaient des dons d'anonymes, ce que d'autres ont ensuite contesté, mettant encore davantage la puce à l'oreille des enquêteurs. Ces derniers ont également découvert un curieux virement de 500.000 Euros reçu par Claude Guéant, longtemps bras droit de Nicolas Sarkozy, et la vente suspecte d'une villa dans les Alpes-Maritimes, ayant peut-être servi à blanchir de l'argent en provenance de Libye.

Réactions dans les rangs politiques

Chez Les Républicains, le patron Laurent Wauquiez qualifie la mise en examen de Nicolas Sarkozy de particulièrement "humiliante et inutile". En revanche, Ségolène Royal, la malheureuse perdante socialiste de l'élection de 2007, estime que les Français ont aujourd'hui le droit de connaitre la vérité sur cette campagne présidentielle.

Quant au délégué général de La République en Marche, Christophe Castaner, il loue la liberté de la Justice et rappelle que chaque citoyen doit être traité à égalité devant la Loi.