Le Rassemblement National (RN - ex Front National) est dans la tourmente. Le 28 Juin dernier, la Justice ordonnait la saisie de 2 millions d'Euros sur la dotation de l'Etat versée chaque année au parti en conclusion de l'enquête sur les assistants de ses députés au Parlement européen. Le mouvement dirigé par Marine Le Pen aurait utilisé les deniers de Bruxelles pour rémunérer des salariés permanents du Front National en les déclarant "assistants parlementaires". Des emplois qualifiés de "fictifs" par les magistrats.
Ce lundi 06 Août, la Cour d'appel de Paris va traiter le recours déposé par le RN dans une audience à huis clos.
Faisant valoir la menace d'un dépôt de bilan, le parti espère l'annulation de la décision du 28 Juin, qui le prive d'une somme importante versée par l'Etat en fonction des résultats obtenus aux dernières élections législatives de 2017. Sur un total de 4,5 millions d'Euros par an, le Rassemblement National voit ainsi, pour le moment, sa dotation diminuer de près de 40% avec un risque important de dépôt de bilan. L'entourage de Marine Le Pen parle même d'un "assassinat politique", et a lancé un appel aux dons lui permettant de récolter environ 500.000 Euros. Mais comme le souligne Sébastien Chenu, porte-parole du parti, "le compte n'y est pas".
Déjà 14 mises en examen
Faire prendre en charge par le Parlement européen les salaires des employés permanents d'un parti politique en les déclarant "assistants parlementaires" est, bien évidemment, strictement interdit et s'apparente à un détournement de fonds.
C'est ce qu'ont écrit les juges Thépaut et Van Ruymbeke dans leur ordonnance de fin d'enquête, que l'Agence France Presse (AFP) est parvenue à se procurer. Les magistrats appuient leur argumentaire en accusant le RN d'avoir mis en place ce système "de manière concertée et délibérée".
Pas moins de 14 personnes ont ainsi déjà été mises en examen dans cette affaire pour "abus de confiance" et "escroquerie en bande organisée", dont le Rassemblement National lui-même en tant que personne morale.
Le député européen Nicolas Bay est également concerné, tout comme la présidente du parti Marine Le Pen et son conjoint Louis Aliot. Au total, l'infraction concerne 17 députés et environ 40 "faux" assistants parlementaires, pour une somme totale versée illégalement de 6,8 millions d'Euros de 2009 à 2017.
Marine Le Pen se défend
L'affaire s'apparente donc à de la délinquance financière, et c'est d'ailleurs la première fois qu'une enquête sur les comptes et les documents d'embauche d'un parti politique français est aussi poussée. De quoi excéder Marine Le Pen qui n'est pas avare en qualificatifs depuis plusieurs mois, évoquant successivement un "Coup d'Etat" de la part des magistrats, une "persécution", et même la "peine de mort" contre son mouvement politique.
La présidente du RN estime que la somme confisquée ne doit pas être prélevée sur la dotation versée par l'Etat aux partis politiques au nom du pluralisme démocratique. Par la voix de son avocat Maître Bosselut, elle déplore que cette somme n'ait "aucun lien direct avec l'abus de confiance" qui lui est reproché.
Par ailleurs, Marine Le Pen rappelle que le Parlement européen a déjà engagé des procédures de récupération des sommes indûment versées, mais elles ne concernent que sept députés seulement.
Enfin, l'ordonnance des juges Thépaut et Van Ruymbeke indique que les 4,6 millions d'Euros encaissés de 2009 à 2017 auraient également servi à recouvrer les dettes du Front National, et notamment à rembourser plusieurs emprunts. Quant à la sanction de Bruxelles, elle pourrait aller du paiement de dommages et intérêts au versement d'une lourde amende.