L'épidémie de Coronavirus bloque une partie des entreprises des pays du monde entier et les conséquences sont parfois lourdes. Pour certaines institutions de l'État, il a fallu s'organiser et trouver des alternatives rapides afin que le pays continue de tourner. C'est notamment le cas des 164 tribunaux judiciaires de France. Le ministère de la Justice a alors annoncé le 23 avril, une série d’aides supplémentaires à hauteur de 50 millions d’euros à destination des professions indépendantes, en perte de revenus pendant le confinement. Mais comment ces institutions ont-elles vécu cette crise du Covid-19 ?

Eric Maurel, Procureur de la République de Nîmes au coeur de l’institution depuis plus de 35 ans, nous donne des éléments de réponse

Depuis l’annonce du confinement dans le pays le 16 mars dernier, la justice pénale d’urgence a fonctionné normalement mais la justice au sens général, fonctionne légèrement au ralenti selon certains avocats, quel constat faites-vous à ce niveau là ?

On ne fonctionne pas du tout au ralenti. Toutes les audiences civiles, pénales ont repris leur cours normal. On n'avait pas le choix de toutes façons. On a même créé des audiences supplémentaires.

Comment s’est passée l’organisation au moment du confinement ?

Avec le confinement, nous avions heureusement anticipé en ayant tout de suite recours au télé-travail.

Nous nous sommes répartis en trois équipes, mon parquet s’est divisé en trois : l’équipe A était présente la première semaine tandis que l’équipe B faisait du télé-travail et puis une équipe C arrivée en renfort, composée notamment de personnes considérées comme plus vulnérables eu égard à la maladie. La semaine suivante, les équipes se remplaçaient et certaines audiences étaient renvoyées mais nous avons continué à régler les dossiers d’instruction, régler certaines procédures, nous avons réussi à maintenir un rythme assez significatif.

Votre métier se tourne de plus en plus vers le digital. Est-ce-que la crise du Covid-19 a accéléré cette numérisation des procédures ?

Oui très nettement ! Quand les choses sont bien gérées il faut le dire. Le ministère nous a dotés de logiciels informatiques qui nous ont permis de travailler de manière dématérialisée et numérisée.

Ces pratiques de travail, développées pendant le confinement resteront utilisées par la suite. On a immédiatement mis en place la transmission de procédures pénales de manière numérisée aux avocats pendant le confinement et concernant cet exemple précis, nous allons continuer à procéder de la sorte après cette crise.

Six mois après l'apparition de cette épidémie, la contradiction majeure reste probablement celle du port du masque. Cette injonction provoque une série de cas certes isolés, mais souvent d'une extrême violence. Des faits qui sont même fatals si l'on prend en compte l'affaire du chauffeur de bus de Bayonne, tué le 5 juillet dernier, pour avoir demandé de porter un masque. Un mois plus tard, une infirmière subit une agression violente pour les mêmes raisons dans le Val-de-Marne. Cette injonction du masque n’est-elle pas difficilement applicable pour les citoyens ?

Personnellement, j’ai une éducation républicaine où l’intérêt général prime avant l’intérêt particulier.

La protection et le respect envers autrui fait que nous devons nous-même se préserver et protéger les autres. Mais on voit bien pour un certain nombre de nos concitoyens que ce n’est pas une chose évidente. C’est là toute la culture du bien commun, de l’intérêt général et peut-être que ces principes ne sont plus trop enseignés et oubliés. En situation de crise, nous devons probablement réapprendre des principes de base fondamentaux liés à la protection de tous. Mais ce n’est pas toujours facile, on le voit bien avec certains citoyens que ce n’est pas évident. Concernant ceux qui posent la question de savoir si le port du masque est une mesure liberticide ou pas ? Selon moi, la réponse est simple car de toutes façons, pour le fonctionnement d’une République, il y a des textes et ces textes (de loi) doivent être appliqués.

Pour le reste, cela relève des philosophes et des sociologues.

Des nouveautés pour la Justice à l'heure du COVID-19

En lien avec cette crise inédite, des mesures ont dû être prises afin de préserver tous les citoyens et de garder le concept fondamental de 'justice pour tous'. Ainsi, toute personne en garde à vue peut désormais demander à être consultée par un médecin en cas de suspicion Covid.

Une garde à vue qui pourra être levée si elle porte atteinte aux intérêts de la personne. Dans les salles d'audience, la tendance est au huit-clos dans le but d'éviter toute promiscuité. Enfin dans les prisons, l'hygiène est renforcée dans toutes les parties communes. Egalement, selon les centres pénitentiaires, les parloirs peuvent être interdits pour une durée de quinze jours.