Le montant de 54,5 milliards fait l’objet d’un débat entre forces syndicales et le gouvernement. La dette de la SNCF est le fruit d’une mauvaise gouvernance et d’une stratégie de trains à grande vitesse organisée par l’Etat et ses nombreux administrateurs, souvent des énarques pas très compétents aux plans industriels et stratégiques. Il faut remarquer que les énarques sont destinés à la gestion des administrations et non pas des entreprises, même si, comme la SNCF, elles se trouvent à la lisière du privé et du public.

Au privé on emprunte les méthodes de management en termes de gestion des rails (réseau ferré) et de gestion de la clientèle. Dans le public, c’est la gestion administrative des statuts et des modalités des départs à la retraite. Ce qui fait débat aujourd’hui, c’est que le gouvernement a voulu séparer deux questions du même problème (réforme de la SNCF après la directive de Bruxelles de 1994), le statut des cheminots et lquestion liée à la dette. Cette dette abyssale est reprise pour les 3/4 par l’Etat qui donne les grandes lignes et laisse dans l’ombre les détails de l’apurement de celle-ci.

Enjeux de l’apurement de la dette de la SNCF

L’Etat va reprendre à sa charge 35 milliards d’euros sur les 54,5 milliards de la dette, ce qui représente 1,6% du PIB, c'est-à-dire de la richesse créée en 2017. C’est un montant colossal: 25 milliards repris par l’Etat en 2020, 10 milliards en 2022 et on espère qu’à cette période la SNCF, dont le statut aura été transformé en Société anonyme à capitaux publics incessibles, reviendra à l’équilibre. Ne pas le faire aurait précipité la SNCF dans la faillite. Il y a des petits points qui demeurent dans l’ombre, non mis en évidence par Edouard Philippe. Qui récupèrera les 19 milliards restants de dette ? On peut penser que c’est la holding créée à cet effet par la Société anonyme mais qui devra continuer à payer les intérêts, sachant que, chaque année, la SNCF doit payer 1,5 milliards d’intérêts à ses créanciers.

Il faut ajouter à cette somme les frais décaissés pour les budgets de fonctionnement et d’investissement annuels. Madame Borne pense que la SNCF peut faire 100 millions d’euros d’économie par an, ce qui sur 10 ans, nous donne 1 milliard d’euros. On est très loin des conditions concrètes de l’apurement total de la dette. L’enjeu est éminemment politique (même si celui économique est important ). Il s’agit de prendre les Français à témoin en leur montrant que le gouvernement fait des efforts importants. La SNCF étant un bien collectif, Edouard Philippe dit qu’il n’y aura pas d’impôts supplémentaires. On demande à le croire, mais ce n’est pas évident. Soit il accepte de faire des économies dans certains domaines (éducation, sécurité, infrastructures, etc.), soit il creuse le déficit.

Impossible à faire à cause des exigences de Burxelles. Le CICE (Crédit impôt/compétitivité/emploi initié par Hollande) devient baisse des charges à partir de fin 2019/2020 et constitue un manque à gagner de 20 milliards pour les finances publiques, ce qui est un autre souci pour Macron/Philippe, en plus de la dette de la SNCF.

Une fissure dans la forteresse syndicale

Le gouvernement d’Edouard Philippe vient de fissurer une partie de la forteresse syndicale. Certains syndicats estiment qu’il y a des avancées dans la négociation alors que d’autres estiment que le gouvernement doit fixer par écrit ses engagements et accepter que ceux-ci fassent l’objet de contre-propositions. Les propositions d’Edouard Philippe sur la dette sont les bienvenues pour le gouvernement dont la côte et celle du Président commencent à baisser dans les sondages car certains électeurs à droite s’exaspèrent de leur incapacité à apporter des réponses immédiates à la grève de la SNCF.

Une votation action a eu lieu, ses résultats éloquents (94% des cheminots sont pour la grève) ne sont ni légaux, ni légitimes compte-tenu des modalités de la votation. Pépy, président sortant de la SNCF, a averti que l’entreprise ne se sentait pas liée par cette votation. La grève continuera-t-elle jusqu’au mois de juin ? On peut le penser sans trop se tromper car la CGT et certains syndicats poursuivent d’autres enjeux, celui de la représentativité au cours des élections professionnelles en novembre 2019. L’Assemblée nationale a voté, le Sénat continue d’étudier le texte. La grève tire globalement à sa fin mais des petits dossiers restent encore en suspens, comme le sac à dos social, les nouvelles conventions collectives, les critères contractuels de la mise en œuvre de nouveaux statuts à partir de 2020, la problématique des petites lignes et la négociation de leur survie avec les régions et une question implicite : quelle garantie à long terme pour l’incessibilité infinie des capitaux publics.