Philippe Aghion, Professeur au Collège de France, Philippe Martin, Dirigeant du Conseil d’analyse économique auprès du Premier Ministre et Jean Pisani-Ferry, enseignant d’économie et des politiques publiques à Sciences Po Paris et à Berlin, ont rappelé au Président de la République l’absence de la redistribution fiscale et sociale au sein de sa politique économique. Pour ces trois auteurs, les Français voient les réformes passer mais sans être concernés par celles-ci. La raison en est fort simple : Emmanuel Macron a fait de la baisse de l’impôt sur les revenus et les fortunes des plus favorisés, un argument de référence pour impulser la croissance et l’emploi.
Pour Emmanuel Macron et son argument sur les premiers de cordée, il s’agit (modèle anglo-saxon), de baisser l’impôt concernant les revenus des plus aisés afin de relancer l’activité économique et de dynamiser l’investissement. Le problème est que la baisse sur les hauts revenus peut générer des effets pervers au regard des objectifs de soutien à la consommation et à l’emploi, ce qui amène à douter de la pertinence de ce choix. En effet, les plus aisés de nos compatriotes ne sont pas soumis à une contrepartie contraignante : baisse des impôts/obligation d’investissements. C’est un cadeau fiscal sans bonus/malus fait aux premiers de cordée qui peuvent voir dans les baisses d’impôts une aubaine fiscale qui leur permet de ne jamais investir et de mettre dans l’embarras les choix fiscaux du Président Emmanuel Macron.
Que faut-il retenir de la note confidentielle publiée par Le Monde du dimanche 10 et lundi 11 juin 2018 ?
Les trois économistes estiment que le gouvernement a pris des mesures importantes qui ont été mises en œuvre, comme le dédoublement des classes, les ordonnances concernant le travail, l’apprentissage et la taxe professionnelle.
Ils estiment qu’il n’y a pas de lisibilité entre la plupart des réformes et les attentes des Français. Il faut, disent-ils, restaurer la lisibilité du projet en parlant de la question des inégalités pour que les Français soient plus concernés. Pour ces trois économistes, le Président de la République privilégie la partie économique de son projet et semble laisser de côté les éléments sociaux de celui-ci.
Pour l’instant la politique fiscale du Président Macron n’œuvre pas pour plus d’équité et plus d’efficacité. Il faut donc revoir dans cette politique fiscale les aides qui sont données aux entreprises en valorisant les aides sectorielles et celles à l’innovation. Ces mêmes économistes se demandent si le gouvernement d’Emmanuel Macron est capable de conduire le débat sur la taxation internationale, tout en limitant l’optimisation fiscale des grandes entreprises internationales. Sur le plan social, ces trois économistes estiment qu’il faut prioriser la fiscalité sociale concernant les logements car les aides à la pierre profiteraient plus aux ménages les plus aisés, qu’aux ménages moyens voire pauvres. Il en est ainsi aussi de la taxe d’habitation dont la disparition rapide pour tous profiterait d’abord essentiellement aux ménages les plus aisés.
Commentaires de la note de ces trois économistes
Les trois économistes constatent que le projet global d’Emmanuel Macron valorise en priorité le pôle économique et fiscal en direction des entreprises. Il fait le pari que celles-ci vont investir or l’analyse économique basique keynésienne montre qu’un investissement n’est possible que si des débouchés existent. Les Français estiment que les salaires n’ont pas augmenté et qu’en acteurs rationnels, ils préfèrent épargner plutôt que consommer. Les entreprises françaises seront-elles capables de fabriquer des produits qui concurrencent les produits étrangers et qui peuvent plaire aux Français ? Rien n’est moins sûr. Dans ce cas, si elles sont rationnelles, leurs dirigeants peuvent augmenter encore leur patrimoine financier ou aller tranquillement en vacances.
Le Président Macron a répondu à Montpellier (conférence sur la mutualité française) sur trois aspects de la vie sociale, à savoir la santé, le vieillissement et la protection sociale. Sur ces trois points, il développe l’idée nouvelle/ancienne qu’il tire du modèle scandinave, sans toujours en utiliser les principes et les fondements: accompagner et protéger les individus qui en ont le plus besoin. On reste un peu circonspect sur la trajectoire sociale qu’il fixe et sur les effets redistributifs de sa politique fiscale. En favorisant les premiers de cordée, il limite l’évasion fiscale, voire l’élimine. En revanche un certain nombre de problèmes restent irrésolus comme le coin fiscal, c'est-à-dire l’écart entre le coût salarial total supporté par l’employeur et le revenu net disponible du salarié.