On pourrait en dire autant de (non de tous les) jeunes djihadistes. Hassan Guillet a bien cerné le dilemme. "Alexandre Bissonnette est aussi une victime ; il n'est pas sorti du vide, on lui a mis dans la tête des idées plus dangereuses que des balles". Idées que ne partagent pas "Spotted" (@Spotted.UL), de l'université Laval, et ses condisciples, Mohamed, Akouavi et Samir, qui expriment le "froid humain" ressenti aux Québec par ceux qui s'entendent dire "retourne dans ton pays". Une fois de trop, ce peut être la bascule vers le djihadisme. Sur Facebook, "Spotted" exprime désarroi, ostracisme ressenti.
Son message a popularisé cet autre à propos de l'acte de Bissonnette : "les causes sont nombreuses, mais il est clair que les discours haineux (…) alimentent la crainte et l'intolérance (…) je vous invite à sensibiliser les annonceurs des stations de radio qui tolèrent ce genre de discours". Discours qu'a bien entendu et répercuté Alexandre Bissonnette, victime d'un autre genre d'isolation qui l'a sans doute conduit à s'enfermer jusqu'à la fuite en avant "libératrice" d'un milieu carcéral l'ayant conduit à un autre.
Alexandre B., autre Maxime B
À première et seconde vues, la page Facebook d'Alexandre Bissonnette ne révélait rien de très inquiétant. Introverti, pourtant sociable. Mais la sociabilité se réduisait à fréquenter des proches, au milieu familial.
Léger penchant pour Trump, les Le Pen ? Pendant de celui d'autres jeunes, d'une autre époque, pour Guevara, Angela Davis, Cohn-Bendit, rien de grave. Sauf qu'ailleurs, sur des forums de la fachosphère, il s'abreuvait de et vomissait sa haine. Comme Maxime Brunerie, le néonazi du Kop de Boulogne du PSG, du forum Combat 18, qui tira sur Jacques Chirac en 2002.
Il a effectué sept ans de détention, ses activités politiques actuelles se limitent à participer aux manifestations du Printemps français pour le mariage tradi. Pour Alexandre Bissonnette, ce ne fut pas Justin Trudeau, mais une "Spotted", brunette comme elle se décrit, peut-être athée, agnostique, mais qui aurait pu sociabiliser à la mosquée.
Elle y a échappé car les femmes, à la Grande Mosquée de Québec, étaient au second étage, que le fusil automatique de Bissonnette s'est enrayé, qu'il a sorti son pistolet, et estimé qu'il en avait "assez tué". Québécois de souche, Soldats d'Odin, La Meute, Atalante, d'autres, en étroite relation avec Riposte laïque et identitaires français, vont reproduire d'autres Alexandre Bissonnette, d'autres Maxime Brunerie. Qui susciteront d'autres Mohammed Merah, d'autres Amedy Coulibaly. Leurs mentors resteront planqués,hurlant à la dictature s'ils comparaissaient pour incitation à la haine raciale, clamant qu'ils sont en droit d'être de fervents chrétiens, musulmans, hindouistes, satanistes, odinistes.
Walhallaistes, wahhabistes, c'est kif-kif, aucune mention à rayer, aucun intrus à chercher, et la liste est longue. "Irons-nous tous au combat ?'' chantait le Québécois Jamil Azzaoui qui promet que ''si le Québec devient musulman, les hommes porteront le voile" (voir sur jamilofficiel, ext. net). Sans doute pas plus fleur au fusil que Georges Brassens ou Pierre Perret, mais il est grand temps de s'opposer aux inspirateurs des Bissonnette-Merah. Mânes de Gandhi, merci, il s'est trouvé au moins une Cécile Comeau, Québécoise, pour dire sur Riposte laïque "nous ne pouvons pas combattre l'islamisme en devenant comme eux" et leur fait aux admirateurs et thuriféraires d'Alexandre Bissonnette. Elle est seule, bien seule, trop seule.
Tolérance zéro pour les suprémacistes "comme pour les islamistes", prône-t-elle, "prétextuelle", à l'écart du cercle des trumpistes. Bissonnette, Brunerie, victimes aussi d'eux-mêmes, auront servi à cela. Soit qu'une minorité d'influenceurs – encore trop infime – ouvre enfin ses yeux sur elle-même. Décriée, Cécile Comeau n'a pu qu'en appeler à Djemila Benhabib, Fatima Houda Pépin, deux des voix les plus critiques du djihadisme au Québec. C'est un début, continuez le combat.