Ils étaient plusieurs dizaines de journalistes, de cameramen et de photographes ce vendredi 12 Janvier devant le ministère de l'Economie à Bercy. Leur objectif ? Apercevoir et tenter d'interroger Emmanuel Besnier, le très discret Président Directeur Général de l'entreprise Lactalis. Sa société est accusée d'avoir mis sur le marché des produits laitiers destinés aux enfants contaminés par la salmonelle, tous en provenance de l'usine de Craon, en Mayenne. Mais le patron ne se montrera pas, préférant honorer son rendez-vous avec le ministre de l'Economie Bruno Le Maire à l'abri des regards.
Son entreprise fait pourtant aujourd'hui l'objet de centaines de plaintes de parents dont les enfants ont été rendus malades en consommant des produits de la marque.
Bruno Le Maire a néanmoins fait une annonce à la presse à l'issue de sa rencontre avec Emmanuel Besnier, déclarant que "Lactalis reprendra tous les produits de laits infantiles fabriqués sur le site de Craon, quelle que soit leur date de fabrication". Jusqu'à présent, seuls les articles sortis d'usine depuis le 15 Février 2017 étaient concernés. Le ministre avance le risque d'erreur humaine dans le tri des produits pour expliquer sa décision d'étendre le rappel des fabrications Lactalis. Il affirme avoir également demandé au PDG de l'entreprise de faire preuve de plus de transparence dans sa communication, et d'éviter cette discrétion qui crispe les familles de victimes et frustre l'opinion publique.
Mais Lactalis ne communiquera seulement lorsque les causes de la contamination seront clairement établies.
De leur côté, les salariés de l'usine de Craon sont dans l'attente et le flou. 250 d'entre eux (sur 327) sont même au chômage technique depuis que l'arrêt de la production a été prononcé le 08 Décembre dernier. L'enquête est toujours en cours, et le ministre de l'Economie a reçu, dans la semaine, les représentants des enseignes de la grande distribution.
Presque toutes ont été obligées d'admettre qu'elles commercialisaient des produits Lactalis risquant d'être contaminés par la salmonelle. Quant à la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes), ses 2.500 contrôles ont révélé que 91 d'entre eux s'étaient conclus par la confirmation d'une contamination.
Outre les supermarchés, des hôpitaux, des crèches et des pharmacies sont également concernés. 2.500 contrôles supplémentaires seront effectués la semaine prochaine.
Syndicats et opposition montent au créneau
L'affaire Lactalis a pris une telle ampleur qu'elle mobilise et intéresse différents pans de l'opinion publique et de contre-pouvoirs. Chez les syndicats, on déplore le manque de moyens des agents de la DGCCRF, qui sont au nombre de 2.800 seulement. La CFDT ajoute que le gouvernement prévoit même d'en supprimer 45 en 2018.
De son côté, l'ancien ministre de l'Agriculture de François Hollande, Stéphane Le Foll, met en exergue le manque de réactivité du gouvernement d'Edouard Philippe, qui a mis plus d'un mois avant de prendre la parole, alors que l'affaire a été révélée au grand jour début Décembre.
Stéphane Le Foll a également des difficultés à comprendre la discrétion de l'entreprise Lactalis, dont le service communication n'est pas un spécialiste de la transparence.
Enfin, les syndicats d'agriculteurs ont annoncé avoir convoqué Emmanuel Besnier en début de semaine prochaine afin d'obtenir des explications supplémentaires. Ils craignent "les effets dévastateurs de cette crise sur la réputation d’excellence du modèle agricole et agroalimentaire français", et rappellent que le secteur laitier est déjà en crise depuis deux ans.