Dès aujourd'hui 14 Mai, les députés français vont commencer à débattre du projet de loi destiné à lutter contre les violences sexuelles rédigé par Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les Femmes et les Hommes. Mais déjà, certains élus déplorent le manque d'ambition du gouvernement.

C'est surtout l'article 2 du texte, dédié aux abus sexuels sur les mineurs de moins de 15 ans, qui cristallise les mécontentements. En effet, en Novembre dernier, le président de la République Emmanuel Macron s'était déclaré en faveur du "non-consentement pour les moins de 15 ans".

Cela signifie qu'en-deçà de cet âge, toute relation sexuelle avec un majeur aurait pu être qualifiée de viol. Mais Marlène Schiappa n'a pas repris cette idée dans son projet de loi, qui n'évoque que "l'abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ses actes".

Une députée UDI monte au créneau

De son côté, Sophie Auconie, élue centriste d'Indre-et-Loire et membre du groupe parlementaire Les Constructifs, ne cache pas sa déception. Elle a participé à la rédaction du rapport parlementaire sur le projet de loi : "Entre 13 et 15 ans, il est indispensable que ça soit l’auteur qui démontre qu’il y avait eu consentement et non la victime. Et en dessous de 13 ans, je voulais qu’on considère qu’un acte de pénétration quel qu’il soit, soit qualifié de viol".

Sophie Auconie a bien tenté de faire voter un premier amendement en Commission pour défendre ses idées, mais ce dernier a été rejeté par La République en Marche, majoritaire au Palais Bourbon. Tous les autres groupes l'avaient pourtant accepté.

Pour justifier sa décision de supprimer le principe de non-consentement du texte de loi, le gouvernement avance le refus probable du Conseil Constitutionnel.

Mais pour Sophie Auconie, qui ne tente rien n'a rien.

Dans les rangs de La France Insoumise, la députée Clémentine Autain déplore, avec l'appui de nombreuses associations féministes, que certains viols pourraient finalement être requalifiés en agressions sexuelles. Leurs auteurs n'auraient donc pas affaire à la Cour d'Assises, mais simplement au Tribunal Correctionnel.

Quant aux services du Planning Familial, ils se rangent, eux, derrière l'avis du gouvernement, et précisent par exemple qu'avec l'amendement de Sophie Auconie, "un jeune de 18 ans et 3 mois" pourrait être accusé de viol sur une personne de "14 ans et 8 mois" en cas de plainte des parents de cette dernière, même si elle a été consentante. La fixation de la majorité sexuelle à 15 ans pourrait ainsi créer des situations de violences si la sexualité est exercée à l'abri des regards pour se protéger de la loi.

Un projet qui manque d'ambition ?

Mais La France Insoumise n'hésite pas à rappeler qu'Emmanuel Macron avait annoncé que l'égalité des sexes serait une "grande cause du quinquennat". Pour la gauche, l'exécutif fait marche arrière.

Le projet de Marlène Schiappa oublie également une urgence que la députée Clémentine Autain estime indispensable. En effet, seulement 9% des victimes d'abus sexuels portent plainte. L'une des priorités serait donc de mieux former les forces de l'ordre dans l'accueil de ces victimes et le traitement de leurs plaintes, ce qui pourrait convaincre d'autres personnes de passer la porte d'un commissariat ou d'une gendarmerie. Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon plaide aussi pour une aide accrue aux associations et la mise en place de campagnes de sensibilisation, à l'école et dans les médias. Mais quand on sait que le budget de l'Etat n'alloue que 0,0066 % de son montant total au secrétariat d'Etat à l'Egalité entre les Femmes et les Hommes, de tels projets semblent irréalisables dans l'immédiat.

Ce n'est pas l'avis de l'élue UDI Sophie Auconie, qui précise que le texte est passé la semaine dernière entre les mains de la Commission des Lois de l'Assemblée nationale, qui a rendu un rapport de 24 recommandations "peu coûteuses". Une seule a été reprise par Marlène Schiappa : le délai de prescription pour les viols sur mineurs passera désormais de 20 à 30 ans. Les débats risquent donc d'être animés dans l'hémicycle cette semaine.